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Urbanisme – Etude comparative de la verticalité urbaine à Paris et New York

Si jusqu’à la fin du 19e siècle, les paysages urbains se composaient essentiellement de maisons ou d’immeubles d’une poignée d’étages, ceux-ci deviennent de nos jours de plus en plus marqués par la présence de bâtiments de très grande hauteur, que l’on nomme plus communément « gratte-ciels ». Les experts définissent un gratte-ciel comme « une tour de grande taille », sans pour autant réussir à s’accorder sur ses caractéristiques plus précisément. La société allemande de recensement des gratte-ciels Emporis émet par exemple l’avis que ceux-ci doivent mesurer au moins 100 mètres de haut et comporter plusieurs étages pour recevoir cette dénomination. D’autres sources avancent des critères plus rigoureux : par exemple, 150 mètres de hauteur pour 40 à 50 étages minimum. Il s’agit donc d’une définition assez subjective et abstraite, dont le sens peut évoluer selon l’époque et le lieu.

La présence – ou non – de tels édifices ne se fait pas n’importe où sur le territoire, comme nous le verrons dans cet article. Elle répond notamment à des attentes économiques, mais également historiques et culturelles. Loin de faire consensus, les gratte-ciels – et l’inexorable élévation des bâtisses modernes de manière générale – scindent l’opinion publique en deux camps. Les gratte ciels jouissent en effet d’une certaine popularité aux Etats-Unis ; un succès contrasté par le constat que la plupart des villes européennes continuent à les bouder. Avec pas moins de 290 gratte-ciels sur son territoire, New-York symbolise sans doute le mieux la confiance américaine dans le progrès technique et dans l’innovation en matière d’urbanisme. A l’opposé, Paris se distingue pour son urbanisme plus traditionnel, ancré dans un contexte historique bien spécifique et reconnu pour ses nombreux monuments encerclés d’immeubles Haussmanniens du 19e siècle. Les quelques grandes tours apparues sur le sol de la capitale ou à proximité le siècle passé ont, à ce titre, fait l’objet d’un traitement et d’un aménagement particuliers de la part des politiques publiques. Je tenterai donc de répondre dans cette étude comparative à la question suivante : comment expliquer la différence de représentation des gratte-ciels entre Paris et New-York ?

La création de Paris remonte aux alentours de 259 avant J.-C., lorsque la tribu des Parisii, un peuple de pêcheurs gaulois, s’installe sur la rive droite de la Seine et commence à y construire des habitations aux environs de l’actuelle île de la Cité. A l’époque, et jusqu’au Moyen-Age, la rive gauche était laissée vierge de toute construction en raison du risque de crue de la Seine, qui aurait pu engendrer des dégâts. Puis, en 52 avant notre ère, Jules César met la main sur la ville à l’occasion de sa campagne militaire en Gaulle et y fonde Lutèce. Cette nouvelle ville suit les grands standards romains de l’époque en matière d’urbanisme : elle est notamment construite autour d’un cardo maximus, désignant l’axe nord-sud majeur qui structure la cité, en l’occurrence la rue Saint-Jacques, et la plaçant au cœur de la vie économique et sociale de la cité. Le forum, placé au centre de la ville, s’étendait de la rue Saint-Jacques au boulevard Saint-Michel, et de la rue Cujas à la rue Malebranche.

Les siècles suivant la chute de l’empire romain, Paris connaît diverses invasions et incendies modifiant plus ou moins durablement sa structure. Néanmoins, la ville continue de se développer ; comme de plus en plus de monde s’y installe, Paris s’expand progressivement, notamment sur la rive droite. Ville résolument chrétienne, des églises et autres édifices religieux y voient le jour (pour la plupart encore visibles aujourd’hui) mais aussi des monuments liés au pouvoir, à la culture ou à la mémoire de Paris et de la France. La construction des habitations ne suit pas de grands plans urbanistiques, mais se fait davantage par improvisation, là où il reste de la place, donnant souvent naissance à des rues étroites et tortueuses. Tous les problèmes engendrés par cette organisation de l’espace et accentués par le temps sont corrigés par le baron Haussmann sous l’impulsion de Napoléon III dans les années 1850. Ses travaux de modernisation de Paris consistent à mettre en place un système d’égouts, faire disparaître de nombreux quartiers insalubres et construire de grandes avenues pour fluidifier la circulation. La capitale intra-muros a globalement assez peu changé depuis, malgré l’intensification des progrès techniques et architecturaux survenus au XXe siècle.

Maintenant, traversons l’Atlantique pour nous intéresser au cas nord-américain. En 1625, alors que le nouveau continent est découvert depuis déjà plus d’un siècle, des émigrés hollandais fondent New Amsterdam sur les terres des Algonquins, des populations autochtones, sur la côte Est des Etats-Unis. Quarante ans plus tard, les Anglais conquièrent la ville et la renomment New-York, en hommage au duc d’York. New-York connaît alors une croissance démographique soutenue jusqu’en 1807, date à laquelle les 123 000 habitants la composant font d’elle la plus importante ville des Etats-Unis, pays devenu indépendant vis-à-vis des Anglais quelques années plus tôt. Puis, aux XIXe et surtout XXe siècles, les Etats-Unis deviennent une destination rêvée pour de nombreux Européens et New-York accueille toujours plus d’immigrés, passant de 500 000 habitants en 1850 à 3,5 millions en 1900.

New-York se développe en réponse à cet afflux de population et les premiers gratte-ciels de l’histoire voient le jour. Entre 1900 et 1920, pas moins de 500 tours sont construites rien que sur l’île de Manhattan, symboles de la croissance économique fulgurante et de la révolution intellectuelle américaines des années folles. Parmi les plus emblématiques, le Flat Iron Building est inauguré en 1902, puis le Chrysler Building en 1930 et l’Empire State Building en 1931 qui, du haut de ses 443 mètres, s’impose comme le plus grand monument au monde de l’époque. La construction de hautes tours a notamment été rendue possible par la mise en place d’un squelette de poutrelles en fer, en lieu et place de la maçonnerie traditionnelle davantage adaptée aux bâtisses de moindre taille. D’autres innovations techniques ont également permis de construire en hauteur à moindre coût, ce qui s’est avéré économiquement profitable pour les constructeurs immobiliers. L’invention de l’ascenseur hydraulique en 1864 a aussi facilité l’attractivité des immeubles avec beaucoup d’étages.

La construction de gratte-ciels s’intensifie à New-York dans les années 60 et 70, poussée notamment par la concurrence entretenue avec Chicago. L’édification de nouveaux gratte-ciels dans le downtown avec par exemple le World Financial Center et ses deux tours jumelles dans la pointe Sud de Manhattan, achève de confirmer la prépondérance new-yorkaise sur le continent américain sur les plans économique et culturel tout au long du XXe siècle. Encore aujourd’hui, de nombreux chantiers de gratte-ciels se poursuivent à New-York, à l’instar du One World Trade Center, actuelle plus haute tour de New-York (541 mètres) ou des nouvelles « tours allumettes », tel le 432 Park Avenue (tour résidentielle).

D’un point de vue général, les villes de Paris et New-York partagent à l’heure actuelle de nombreuses similitudes. Ces deux métropoles globales bénéficient notamment d’une très forte intégration dans les réseaux de la mondialisation, les rendant immensément puissantes et attractives sur la scène internationale, à en croire les résultats du global power city index de la fondation Mori au Japon publiés en 2013. Ainsi, New-York et Paris seraient respectivement les 2e et 4e villes les mieux connectées au monde, grâce à leurs réseaux de transports et de communications (Paris souhaite notamment renforcer sa force dans ce domaine en aménageant le Grand Paris). Également, New-York se hisse à la première place en termes d’image, d’attractivité, de puissance et d’opportunités, tandis que Paris obtient également de très bons classements dans ces domaines (entre la 3e et la 5e place). La métropolisation de ces villes, à savoir la concentration du pouvoir, peut notamment s’expliquer par leur accès direct à un réseau maritime ou fluvial (l’océan Atlantique pour New-York et la Seine pour Paris), mais aussi par le processus historique de création et de développement de ces villes : Paris, la capitale, a hébergé le pouvoir politique du pays pendant des siècles, tandis que New-York constituait la première terre d’accueil des migrants européens après leur passage par Ellis Island.

Néanmoins, de nombreuses divergences apparaissent également entre ces deux « villes-monde », notamment d’un point de vue architectural et urbanistique. Là où Paris se compose majoritairement d’immeubles haussmanniens – conséquence d’une volonté des dirigeants de moderniser la capitale tout en respectant son patrimoine historique – le paysage urbain de New-York est, quant à lui, davantage construit en vertical, en atteste la Skyline, symbole du modernisme et du rêve américain. New-York ayant vu le jour bien plus récemment que Paris, la présence de gratte-ciels lui a permis en un sens de se créer un style urbanistique original, sans pour autant dénaturer une quelconque architecture qui aurait déjà été établie.

Pour autant, la construction de gratte-ciels ne peut pas se résumer à une simple recherche esthétique pour renforcer le soft power new-yorkais. L’engouement pour les gratte-ciels à New-York et aux Etats-Unis dès le début du XXe siècle reflète l’évolution de la société américaine de l’époque. En effet, la mutation d’une grande partie de la classe ouvrière en cols blancs et la place toujours plus importante des entreprises de service dans l’économie new-yorkaise conduisent à la prolifération de gratte-ciels, servant de centres décisionnels des grandes entreprises. Ces tours permettent ainsi de concentrer de nombreux bureaux en très peu d’espace, afin de densifier les lieux économiques stratégiques. La Skyline new-yorkaise, désignant cette nouvelle chaîne de tour au cœur de la ville, reflète alors la compétitivité des entreprises. Le géographe Le Goix définit cet espace urbain comme une « cité du contrôle », composé de CBDs, de bureaux et d’espaces contrôlés et sécurisés.

Abriter des gratte-ciels sur son territoire constitue en effet un enjeu stratégique majeur pour de nombreuses villes contemporaines dans le monde, notamment aux Etats-Unis, mais aussi en Chine, à Taïwan ou aux Emirats Arabes Unis. De tout temps, la course à la hauteur obsède les hommes, non seulement dans un souci de prestige, mais aussi afin de se rapprocher des cieux et donc de Dieu, comme le montre la construction de cathédrales. De nos jours, la conquête du ciel continue et se rapproche de son dessein avec l’édification de tours toujours plus hautes. D’un point de vue pratique, les gratte-ciels répondent au problème du manque d’espace urbain et à l’inflation foncière engendrée dans les villes à forte densité. Cet argument ne peut néanmoins pas nous satisfaire lorsque l’on a conscience du fait que New-York est moins dense que Paris, et ce malgré ses nombreuses tours. New-York est en effet beaucoup plus étalée, notamment parce qu’occuper le centre ne constitue pas une priorité pour les populations, qui ont tendance à s’installer en banlieue et à prendre leur voiture tous les matins pour se rendre au travail dans le centre (migrations pendulaires).

Les gratte-ciels présentent en effet également un enjeu de pouvoir majeur. Leur architecture doit notamment servir de démonstration de richesse et de capacité d’investissement, mais aussi de maîtrise technologique et de dynamisme économique et industriel de la part de leurs constructeurs. L’objectif pour l’entreprise est d’envoyer une image positive d’elle-même, de la ville ou du pays, afin d’attirer les visiteurs et les investisseurs étrangers. Ainsi, à New-York, la Skyline reflète la réussite économique de la ville, boostant l’attractivité de cette dernière et contribuant à la hisser au top des classements internationaux. Cette chaîne de tours mondialement connue, véritable outil de construction identitaire, constitue à ce jour l’une des caractéristiques majeures de New-York attirant chaque année des millions de touristes. Les gratte-ciels peuvent aussi permettre aux entreprises en leur possession de se distinguer de leurs concurrents et de se construire une image de marque. En outre, de nombreuses œuvres cinématographiques, comme King-Kong paru en 1933, ont indirectement mis à l’honneur certains gratte-ciels (ici, l’Empire State Building) et contribué à leur forger une solide réputation.

Malgré les avantages énumérés plus haut apportés par les gratte-ciels, de nombreuses capitales et grandes villes européennes refusent d’en construire sur leur sol. C’est le cas notamment de Paris qui, à cause de sa très forte densité de population, ne dispose plus de l’espace suffisant pour accueillir de gigantesques tours. La seule solution consisterait à détruire certains immeubles ou monuments pour libérer de la place, une action qui rencontrerait naturellement un fort mouvement de protestation des habitants concernés et des défenseurs de l’architecture parisienne. Au contraire de New-York, Paris s’est construite à une époque à laquelle les avancées techniques ne permettaient pas de construire de grandes tours, au risque qu’elles s’effondrent. Également, le besoin d’optimisation d’espace se faisait moins ressentir à l’Antiquité et au Moyen-Age dans la capitale : elle accueillait moins d’habitants et pouvait toujours s’agrandir en cas de besoin. Aujourd’hui à New-York, les locaux et appartements dans les gratte-ciels ont l’avantage de coûter moins cher en raison de leur offre importante dû au gain d’espace. A noter aussi que certains sols parisiens trop friables ne pourraient pas supporter les fondations de colosses de verre ou de béton.

Paris ne souhaite pas non plus de « Bruxellisation » de son territoire, c’est-à-dire de transformation brutale de son patrimoine urbain par la dissémination de grandes tours un peu partout, afin de préserver son paysage et son patrimoine culturel et historique. Ce terme fait référence à l’expérience vécue à Bruxelles où, dans les années 60, le manque de restrictions concernant l’uniformisation de l’architecture a conduit à l’édification de bâtiments modernes, voire de tours, à faible valeur esthétique au milieu d’habitations plus traditionnelles. A une époque où le tourisme se développe à grande échelle grâce à la moyennisation de la société française depuis plusieurs décennies et de la hausse des standards de vie des habitants dans de nombreux pays du monde (par exemple la Chine), il convient pour Paris de rester culturellement attractive. Rien qu’en 2019, Paris et la région Ile-de-France ont accueilli 50,6 millions de visiteurs, principalement venus pour visiter des musées et des monuments (69%), se promener en ville (67%) et faire du shopping (39%), générant 21,9 milliards d’euros de recettes. Paris est la 6e ville la plus touristique du monde grâce à son importante offre culturelle, mais aussi grâce à l’atmosphère qu’elle souhaite véhiculer : celle d’une ville romantique chargée d’histoire. Construire des gratte-ciels en plein centre-ville dénaturerait les lieux, en plus de transmettre une image de modernisme conformiste contraire aux attentes des touristes.

Néanmoins, il serait faux d’affirmer que la capitale a refusé toute construction de gratte-ciels : le quartier de la Défense, en périphérie de Paris, en est le contre-exemple parfait. Chaque matin, l’équivalent de la ville de Reims débarque à la Défense, actuellement le plus grand centre d’affaires d’Europe en termes de superficie, pour y effectuer sa journée de travail. La Défense héberge pas moins de 500 entreprises, dont les sièges sociaux de très grandes comme Total, et 61 tours de plus de 100 mètres de hauteur, ce qui fait de ce centre d’affaires le 4e le plus compétitif du monde derrière ceux de Londres, New-York et Tokyo. Au fur et à mesure du développement du quartier dans la seconde moitié du XXe siècle, les plafonds des hauteurs des bâtiments sont réhaussés par l’EPAD (établissement public visant à aménager la Défense), suscitant la colère d’une partie de l’opinion publique qui juge les tours trop hautes et trop visibles depuis Paris intra-muros. De nombreux projets ont notamment été avortés pour des raisons financières mais également politiques, l’opinion française se montrant souvent défavorable à l’érection d’immeubles de grande hauteur. Finalement, le quartier de la Défense reflète la puissance économique de Paris – développée plus haut – et de la France en général, sans pour autant dénaturer le patrimoine historique de la capitale en s’implantant en plein cœur de la ville.

En fin de compte, les villes de New-York et Paris ont suivi des trajectoires très différentes. Si la première fait des gratte-ciels et de la modernité en général le fer de lance de son développement économique et de son pouvoir d’attraction, la seconde mise davantage sur son héritage historique et son architecture authentique pour séduire autant les touristes que les investisseurs. Un compromis semble cependant avoir été trouvé par la capitale ces dernières décennies entre préservation de son patrimoine millénaire et nécessité de compétitivité des entreprises nationales contemporaines, avec l’élaboration du quartier d’affaires de la Défense. Dans un contexte de réchauffement de la planète, construire en hauteur peut en outre éviter l’étalement urbain et permettre une moindre utilisation des transports (proximité des activités) et donc émettre moins de CO2.

Mener cette recherche m’a permis de mieux comprendre les enjeux contemporains liés à la construction de gratte-ciels. Loin de répondre seulement à une logique de réduction des coûts dans un contexte de forte densité urbaine, les gratte-ciels servent aussi et surtout à impressionner celui qui pourrait potentiellement constituer le client de l’entreprise ou de la ville/du pays. C’est pour cette raison que les architectes redoublent d’imagination pour offrir à notre vue des tours toujours plus hautes, mais aussi plus originales. Il n’est plus rare d’observer de nos jours des gratte-ciels torsadés, construits en bois, en forme de U, d’ADN ou de pointe de stylo plume… La Dynamic Tower de Dubaï, une fois achevée, pourra même tourner sur elle-même ! Cette démarche m’a également appris l’importance du contexte historique dans les choix des politiques publiques en matière d’urbanisme. New-York doit notamment sa forte concentration de gratte-ciels sur son sol en raison de sa création tardive : la construction de tels édifices, loin d’altérer l’essence de la ville, est venue accompagner son évolution économique et démographique vers la voie de la modernité.

Bibliographie :

  • Firley Eric, Honnorat Philippe, et Taudière Isabelle. La tour et la ville : manuel de la grande hauteur. Marseille : Parenthèses. 2011.
  • Flowers, Benjamin Sitton. Skyscraper the politics and power of building New York City in the twentieth century. Philadelphia : University of Pennsylvania Press. 2009.
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  • Turquier, Barbara. « L’édification du gratte-ciel, motif du cinéma d’avant-garde américain », Transatlantica. 2011, vol.2.
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  • Ahlfeldt, Gabriel M. et Jason Barr. « The economics of skyscrapers: A synthesis », Journal of urban economics. 2022, vol.129. p. 103-419.
  • Barr, Jason. « Skyscrapers And Skylines: New York And Chicago, 1885-2007 », Journal of regional science. 2013, vol.53 no 3. p. 369‑391.

1987 : Quand la déconnexion avec les réalités économiques atteint son paroxysme

Lundi 19 octobre 1987 : l’indice Dow Jones perd 22,6 % de sa valeur, soit la pire séance jamais enregistrée pour Wall Street. Surnommé « the black Monday », ce krach n’a paradoxalement pas eu de répercussions immédiatement néfastes sur l’économie réelle, contrairement au krach de 1929. Cette crise a été causée par des phénomènes macroéconomiques, tels que les variations de taux de change avec le dollar mais également par des nouvelles innovations qui sont mises en application sur les marchés financiers tels que les algorithmes de trading. Dans ce reportage, nous allons nous pencher précisément sur les facteurs de cette crise, mais également analyser la réponse de la FED.

Une conjoncture précédant la crise marquée par des variations importantes du dollar

Une politique désinflationniste initiée par Paul Volcker :

Il convient de rappeler le contexte de cette crise. Dans les années 1970, l’économie américaine est marquée par la stagflation, c’est-à-dire une forte inflation combinée à une faible croissance. La fin de la convertibilité or-dollar, décidée par Richard Nixon le 15 août 1971, a entrainé la mise en place d’un système de changes flottants, faisant évoluer la valeur des monnaies selon l’offre et la demande. Ce système s’est révélé pervers pour les Etats-Unis puisque le dollar a été confronté à plusieurs dévaluations, générant de l’inflation. Cette inflation a également été causée par les chocs pétroliers de 1973 et 1979, faisant passer de 1,3 à plus de 30 dollars le prix du baril entre le début et la fin des années 1970, ce qui a lourdement impacté la production des entreprises du secteur secondaire. Si l’on donne des chiffres précis, le taux d’inflation en 1974 était aux alentours de 10 % et le taux de croissance était de -2 %, soit à un niveau négatif. En août 1979, Paul Volcker est nommé par Jimmy Carter président de la FED. Il mène alors une politique de lutte contre l’inflation, afin de redonner de la valeur au dollar. Pour cela, il fait passer les taux au jour le jour de 11 % à plus de 20 %, c’est-à-dire que le prix de l’argent prêté par la Banque centrale américaine aux établissements de second rang pendant 24 heures étaient de plus de 20 %, ce qui limitait forcément la création monétaire en dollars, entrainait sa rareté et par conséquent augmentait sa valeur. La création monétaire prévue pour le rachat de devises étrangères devenait par conséquent plus limitée.

Une désinflation excessive :

Sur un plan purement monétaire, cette politique, s’est révélée efficace : en 1980, le taux d’inflation était d’environ 14 %, il n’était plus que de 3 % en 1983. Cette appréciation fulgurante du dollar au détriment des autres monnaies qui se voyaient alors dévaluées a alors débouché sur un accord monétaire entre les principaux pays du G7 (Etats-Unis, Royaume-Uni, France, Japon et RFA) le 22 septembre 1985, les Accords du Plaza. Plusieurs milliards de dollars sont injectés sur le marché monétaire, ce qui fait baisser mécaniquement sa valeur. Ainsi, à la fin de l’année 1986, le dollar avait effacé tous ses gains et avait retrouvé son niveau de 1979. Les accords du Plaza, censés limiter l’appréciation du dollar, ont eu des effets excessifs, dans le sens qu’ils ont créé un cercle vicieux inflationniste pour le dollar. Pour contrer cette nouvelle dépréciation du dollar, les pays du G5, accompagnés du Canada optent pour la stratégie inverse de celle conclue au Plaza, en signant les Accords du Louvre le 21 et 22 février 1987, correspondant à une politique de renforcement de la valeur du dollar. Cependant, ces accords ne parviennent pas à enrayer la dépréciation de la monnaie américaine. L’échec de cet accord, a alors des conséquences sur les rendements du marché obligataire américain. En effet, la hausse de l’inflation, entraine une diminution des taux d’intérêts réels, qui rappelons-le se calcule approximativement par le taux d’intérêt nominal soustrait du taux d’inflation. Par conséquent, durant les mois précédent le krach, les taux d’intérêts nominaux ont augmenté considérablement, le bond du trésor américain sur 10 ans atteint 9,5 %. La dépréciation du dollar a des effets bénéfiques sur la croissance et permet de dynamiser les exportations. En effet, si la valeur du dollar diminue par rapport au franc par exemple, il faudra moins de francs pour obtenir un bien en dollars, ce qui les produits américains plus compétitifs. Cependant, cette hausse de la compétitivité des produits américains ne permet pas de compenser les pertes causées par la dévaluation du dollar, ce qui se traduit par une hausse du déficit commercial. L’annonce des chiffres du déficit commercial américain le 16 octobre est d’ailleurs considérée comme l’un des principaux éléments déclencheurs du krach.

Une crise endogène

Une crise favorisée par la dérégulation :

Par la suite, il est nécessaire de comprendre le contexte de l’époque. Depuis l’arrivée au pouvoir de Ronald Reagan en 1981, les Etats-Unis connaissent une période de libéralisation, dans le sens d’un recul voire d’une absence d’intervention de l’état sur les marchés financiers. Cette politique favorise alors le développement de produits financiers ou de nouvelles opérations. Par la suite, des opérations font leur apparition grâce à l’informatisation de la finance, marquée par les débuts des programmes de trading. Des algorithmes avaient été créés et programmaient des ordres de vente et d’achat automatique. Les programmes fonctionnaient alors avec des stop loss, c’est-à-dire des ordres de vente automatique afin de protéger le capital. Cependant, à cette époque, étant donné que les programmes étaient encore peu développés et similaires, leur fonctionnement avait alors tendance à intensifier les fluctuations des cours de bourse, notamment baissières. L’autre apparition importante était celle de la portfolio insurance, dont l’objectif était de protéger le capital des investisseurs. L’idée est d’organiser une fusion entre un portefeuille d’actions et un contrat de vente, une option put. En cas de croissance du marché les gains générés étaient moins importants que la hausse des cours, du fait de la perte de la prime dans le cadre de l’option. Pour en connaître plus sur le système des options, je vous invite à regarder la vidéo consacrée à ce sujet. L’avantage était que si les gains en cas de hausse du marché étaient moins importants, les pertes en cas de baisse étaient amoindries par la prime de l’option. Il s’agissait en fait d’un arbitrage visant à répartir les risques.

Un stop-loss ayant favorisé une crise uniquement financière :

Le stop-loss était marqué par des inconvénients pour les investisseurs. Le premier était qu’à cette époque, le marché de ce type de produits était oligopolistique, ce qui mettait les établissements bancaires dans une position de Price Maker et non de Price Taker comme sur un marché concurrentiel. En effet, sur un marché concurrentiel, caractérisé par une atomicité de l’offre et de la demande, les acteurs, nombreux et étant des atomes, ne pouvaient pas avoir d’influence sur le marché et par conséquent, infléchir les prix à la hausse ou à la baisse. Par conséquent, à cette époque, les établissements bancaires fixaient en quelque sorte à leur guise les conditions du marché, comme le montant de la prime ou les conditions d’échéance. Ainsi, en cas de baisse massive des cours, l’investisseur par ces conditions de marché peu avantageuses, n’a pas son capital réellement protégé et c’est ce qui s’est produit durant le krach d’octobre 1987. Les réponses institutionnelles ont été immédiates. La FED, la banque centrale américaine, joue son rôle de prêteur en dernier ressort et inonde le marché de liquidités. Mais la particularité de ce krach est que les conséquences immédiates sur l’économie réelle sont quasiment nulles. En effet, le taux de croissance en 1987 était de 3,5 % et a même connu une accélération l’année suivante en grimpant en 1988 à 4,2 %. Après le krach, les autorités ont décidé de réguler le fonctionnement des programmes de trading, avec l’instauration de coupe-circuit, en cas de baisse brutale des cours. Cependant, à plus long-terme, à l’aube des années 1990, face à l’inflation engendrée par la politique de la FED, cette dernière a alors été contrainte de relever ses taux, ce qui a ralenti la croissance de l’économie américaine. De 3,5 % en 1989, elle s’élevait à 4,2 % l’année précédente.

Cet épisode de 1987 révèle les effets néfastes qu’engendre la dérégulation et l’absence d’intervention de l’état sur les marchés. Cette libéralisation, qui a débuté sous Nixon avec la fin des taux de change fixe, a engendré un bouleversement du marché monétaire mondial et le dollar a connu successivement des phases de dévaluation et de renforcement, qui a impacté également les autres monnaies ainsi que le pouvoir d’achat des ménages. Puis, avec l’arrivée au pouvoir de Reagan, les Etats-Unis connaissent durant les années 1980, une période de dérégulation financière et d’euphorie sur les marchés. Les autorités publiques, refusant de reconnaitre le risque de formation d’une bulle spéculative, laisse cette dernière éclater. Paradoxalement, le marché était tellement déconnecté avec les réalités économiques, que l’impact sur l’économie réelle sera minime, mais cette chance ne sourit pas toujours, comme l’ont révélé les épisodes de 1873 et de 1929 ou plus récemment de 2007 et de 2011.

https://www.edubourse.com/guide-bourse/krach-1987.php

https://www.lefigaro.fr/flash-eco/2012/10/19/97002-20121019FILWWW00596-le-krach-de-1987-c-etait-il-y-a-25-ans.php

https://www.lesechos.fr/2017/10/krach-du-19-octobre-1987-le-jour-ou-wall-street-sest-effondre-184501

http://www.fb-bourse.com/krach-boursier-1987/

https://fr.statista.com/statistiques/564926/prix-annuel-du-petrole-de-l-opep-1960/

https://www.francetvinfo.fr/replay-radio/histoires-d-info/quand-la-fed-remontait-ses-taux-a-20_1791297.html

https://fr.wikipedia.org/wiki/Krach_d%27octobre_1987

https://fr.tradingeconomics.com/united-states/gdp-growth-annual

https://fr.tradingeconomics.com/united-states/inflation-cpi

https://fr.wikipedia.org/wiki/Récession_du_début_des_années_1990

Aux origines du krach de 1873

9 mai 1873 : l’euphorie sur les marchés boursiers touche à sa fin. La bulle immobilière qui s’était formée depuis les années 1860 éclate. La bourse de Vienne, berceau de la crise perd ce jour-là 30 % de sa valeur. Ce krach plonge alors le monde occidental dans une phase récessive. Les historiens s’accordent à dire que cette période débute en mai 1873 et se termine en 1896, et considèrent cet intervalle de temps comme la première « Grande Dépression ». Durant cette période, la France connaitra également un autre krach en 1882, considéré même comme plus violent que celui de 1873. Le krach de Vienne ou plus largement l’insouciance et la frivolité de cette période ont d’ailleurs été source d’inspiration et de dénonciation chez les intellectuels, à l’image de Johann Strauss avec son opérette en trois actes « La Chauve-Souris » paru en 1874, ou encore Emile Zola avec son roman « La Curée » en 1871. A travers cet article, nous allons nous pencher sur l’origine et la propagation de ces crises de la fin XIXème siècle, mais également nous intéresser aux conséquences sur l’économie réelle.

Une crise provoquée par différents mécanismes

Un krach favorisé par une politique industrielle libérale :

La Révolution industrielle, qui commence à l’aube du XIXème siècle a engendré une expansion économique et une urbanisation qui s’accélèrent au cours du milieu du XIXème siècle. Cette urbanisation est d’abord dopée par des innovations telles que le procédé Bessemer, conçu en 1855 par l’industriel britannique Henry Bessemer. Cette technique a permis une réduction importante du coût de fabrication de l’acier, tout en garantissant une résistance bien meilleure que celle du fer. Ce procédé a alors permis la multiplication des réseaux de chemins de fer mais également le développement urbain puisque l’acier était employé pour les façades des immeubles qui sortent de terre. Ces aménagements du territoire favorisent le dynamisme des échanges et l’émergence de nouveaux centres mondiaux dans une économie marquée par les balbutiements de la financiarisation. A Paris, cette urbanisation galopante a débuté sous le Second Empire avec les réformes du préfet de la Seine, le Baron Georges Eugène Haussmann. Il fait construire des immeubles modernes, dans un style que l’on qualifiera par la suite d’hausmmanien. Ces immeubles d’un nouveau genre, bénéficient d’un phénomène de mode et sont utilisés pour réaliser des plus-values spéculatives. Le secteur de l’immobilier attire alors des investissements, financés en grande partie par des banques et des fonds d’investissement, comme les frères Pereire qui sont par exemple à l’origine de l’aménagement du quartier Monceau dans le dix-septième arrondissement de Paris. En Allemagne, cette période d’expansion urbaine qui s’accompagne d’une croissance économique forte de plus de 5 % par an est qualifiée de « Gründerzeit ». L’emballement des investisseurs est également intensifié par les dividendes à deux chiffres que proposent les banques, notamment la Deutsche Bank en Allemagne. La banque joue alors un rôle double dans cette crise. D’une part en finançant à outrance les projets immobiliers dans les grandes capitales européennes de l’époque, elle participe à l’alimentation de la bulle spéculative immobilière et d’autre part, avec des dividendes très attractifs, incitant les investisseurs à acheter des actions de ces banques uniquement pour son rendement et non en fonction d’une véritable solidité financière, ce qui alimente également une bulle dans le secteur bancaire. En Allemagne et en Autriche, cette euphorie est plus intense qu’en France. En effet, en 1873, la France ne s’est pas encore vraiment remise de la défaite de 1870 face à la Prusse. Le 4 décembre 1871, le parlement allemand, le Reichstag, vote la loi monétaire obligeant la France à verser 5000 milliards de francs, soit l’équivalent de cinq milliards de francs. Cette injection de liquidités vers l’Allemagne va se révéler profitable dans l’immédiat et va permettre de financer de vastes projets d’urbanisation et de construction de réseaux ferroviaires. Mais ces investissements à outrance, vont entrainer l’alimentation de bulle spéculative dans ces secteurs, l’utilisation de ces réparations financières va se retourner contre son bénéficiaire. La loi monétaire a donc eu un rôle non-négligeable dans l’alimentation de la bulle. La prospérité à court-terme et la bulle spéculative qui caractérisent l’économie allemande a également des répercussions similaires dans d’autres pays. En effet, cette période est marquée par l’essor des théories libérales d’économistes comme Adam Smith ou David Riccardo, estimant que le libre-échange est un jeu « gagnant-gagnant ». Les économies deviennent de plus en plus ouvertes et de ce fait de plus en plus interdépendantes. Ainsi, l’Autriche et l’Europe d’une manière générale profitent en quelque sorte de la prospérité de l’Allemagne et de l’optimisme de ses investisseurs. L’alimentation de la bulle immobilière prend une ampleur telle que durant l’année qui avait précédé le krach, les prix de l’immobilier dans les capitales européennes avaient plus que doublé. Par ailleurs, la spéculation intervient également dans le secteur ferroviaire, qui profite également d’innovations telles que le procédé Bessemer. Aux Etats-Unis, le krach de mai 1873 entraîne la quasi-faillite de la Northern Pacific Railway. La situation financière de l’entreprise s’était d’ailleurs aggravée avec la faillite de son créancier, la banque Jay Cook le 18 septembre 1873. Pour survivre à la crise, la Northern Pacific avait été contrainte d’opter pour un plan d’austérité, dans une Amérique en pleine récession. Dans cette situation particulière, la compagnie était confrontée à d’importants retards de pose de rails. Ces poses de rails, qui passaient dans des territoires indiens avaient entrainé de violents combats entre l’armée américaine qui escortait la compagnie et les amérindiens, ces derniers voyant ici une atteinte à la souveraineté de leur territoire.

Des signaux annonciateurs  :

D’une manière générale, il avait été déjà constaté un essoufflement de la frénésie des investisseurs dans le secteur ferroviaire, au début des années 1870, la croissance de la production commençait déjà un ralentissement. Cette crise est donc liée à un trop-plein d’investissement engendrant une surproduction. Ce surplus d’offre est également visible dans le secteur primaire. A cette époque, certains pays développent à grand pas leur agriculture et bénéficie d’un avantage comparatif du fait de leur main-d’œuvre peu coûteuse. C’est le cas de l’Argentine, du Canada, de l’Argentine ou de la Russie. Ce surplus d’offre a alors entrainé une baisse des prix des matières agricole sur le marché, ce qui a impacté une part non-négligeable de la production en Europe de l’Ouest. A cette époque, le secteur primaire représentait encore une part importante de la richesse créée dans les pays les plus développés. A titre d’exemple, 50 % de la population française vivait de l’agriculture en 1870. L’ensemble de ces faits a permis l’alimentation et l’éclatement de la bulle boursière et immobilière. Si la crise boursière a lieu en mai 1873 en Europe, elle éclate seulement en septembre de la même année aux Etats-Unis. Le krach entraine la fermeture de Wall Street du 20 au 30 septembre 1873. Les conséquences socio-économiques sont considérables dans l’économie réelle. Le krach de 1873 entraine une paupérisation de toutes les classes sociales, en particulier le monde ouvrier, confronté à une augmentation importante du taux de chômage. Cette apparition du chômage de masse peut s’expliquer par les plans d’austérité voire les faillites d’entreprises du secteur industriel, entrainant dans les deux cas des licenciements massifs voire des baisses de salaire. A cette époque, les états n’intervenaient pas sur le marché du travail, ce marché était par conséquent purement concurrentiel. Or, sur un marché concurrentiel l’offre est faite par les travailleurs et la demande par les entreprises. Et si la demande se contracte, on assiste à une offre supérieure à la demande, ce qui provoque un volume d’offre non-satisfaite, donc du chômage et une pression baissière des prix du marché, soit une baisse des salaires.

Une situation particulièrement tendue en France

Une récession prolongée en France :

Mais la récession en France s’est prolongée par le krach de janvier 1882. Considéré comme le krach le plus violent du XIXème siècle en France, l’élément déclencheur de cette crise est la faillite de l’Union Générale, une banque en pleine expansion à cette époque. Cette crise est corrélée avec une asymétrie de l’information puisque les investisseurs ne disposaient d’informations fiables au sujet d’opérations financières ou de données relatives à la santé financière de l’Union Générale. Initialement, l’Union Générale avait vu le jour en 1875 mais c’est à partir de l’arrivée en 1878 d’Eugène Bontoux, ancien banquier chez Rothschild, que la banque connaît un développement remarquable. Eugène Bontoux organise des opérations d’augmentation du capital de la banque, le faisant passer de 25 millions à son arrivée en 1878 à 100 millions de francs en 1881. La banque finance alors des projets d’infrastructure ferroviaire ou minière en France mais également en Autriche, dans les Balkans ou au Moyen-Orient, que la presse se charge de relayer. Cette bonne publicité, faites par des journaux financiers tels que « La Finance » ou « Le Clairon » suscite alors un certain engouement autour de l’Union Générale. Le prix de l’action est multiplié par six entre 1878 et la veille du krach, passant de 500 à 3000 francs. Cependant, la gestion de l’Union Générale était caractérisée par certaines irrégularités. Le bilan de certaines années pouvait être falsifié, les publications de résultats annuels pouvaient être des estimations optimistes et pouvaient être par conséquent déconnectés de la réalité. Les opérations d’émissions de nouvelles actions passaient par des pratiques visant à gonfler artificiellement le cours. En effet, certains anciens actionnaires pouvaient bénéficier d’achat d’actions à tarif préférentiel, à un prix trois ou quatre fois inférieur à celui du cours. D’une manière concrète, un bon nombre d’actions qui valaient par exemple 2000 francs n’ont été acheté que pour seulement 500 francs. Le problème est que le marché n’étant pas au courant de cette pratique, celui-ci a alors intériorisé l’idée que toutes les actions ont été achetées au prix fort, et que la banque est donc jugée par les investisseurs comme solide. En janvier 1882, le marché se rend compte de cette surévaluation. Entre le début et la fin du mois, le cours passe de 3000 à 500 francs et la banque, en défaut de paiement, est contrainte de faire faillite. Cette faillite entraine une crise systémique dans le secteur bancaire, d’abord parce que l’Union Général était un acteur important et d’autre part car le secteur bancaire va subir les conséquences de la méfiance des investisseurs. En effet, à cette époque la plupart banques ne faisaient pas de stricte séparation entre ses services de dépôt et d’investissement. Cette porosité a entrainé dans l’essor des financements non monétaires. En effet, étant donné que les banques ont un pouvoir limité de création monétaire ex-nihilo, c’est-à-dire à partir de rien, les banques ont alors financé un bon nombre d’investissements par financement non-monétaire, c’est-à-dire en prenant sur l’épargne de particuliers. A l’issue du krach, les particuliers se rendant comptant de la fébrilité du système bancaire avaient alors demander à ce que leur épargne soit retirée des banques. Ce mouvement de panique des investisseurs a entrainé la faillite de nombreuses établissements bancaires.

Des conséquences socio-politiques notables en France :

Dans cette situation, les banques n’ont pas pu rembourser l’intégralité des dépôts des particuliers et ont été contraintes d’arrêter net leurs investissements ferroviaires, miniers ou urbains. Cela a donc entrainé une baisse de la valeur de l’épargne de la population qui a alors dû moins consommer, et en parallèle les entreprises financées par les banques ont vu leur approvisionnement de liquidités s’arrêter net. Les entreprises ont dû licencier massivement, ce qui a créé du chômage, encore moins de consommation, il s’agit d’un cercle vicieux. Ce contexte économique tendu a alors été facteur d’instabilité politique en France. Le nouveau régime de la IIIème République doit faire face aux mouvements socialistes, constitués essentiellement d’anciens communards mais également d’anarchistes. L’une des têtes de cette contestation grandissante dans les années 1870 et 1880 est Louis Michel. Ancienne figure de la Commune, elle est condamnée par la suite à l’exil en Nouvelle-Calédonie. De retour en France métropolitaine en 1880, elle devient le porte-parole du mouvement anarchiste de l’époque. Les actions qu’elle mène dans les années 1880 sont inspirées des méthodes violentes et révolutionnaires de la Commune. Le 9 mars 1883, elle organise une manifestation pour les « sans-travail » avec Emile Pouget, créateur du journal anarchiste le Père Peinard. Cependant, cette manifestation tourne en émeute et se solde par des pillages de boulangerie et une intervention des forces de l’ordre, afin de mettre fin aux troubles. En parallèle, certains anarchistes se tournent vers des actions encore plus violentes, comme en témoigne la série d’attentats anarchistes du début des années 1890. Au printemps 1892, François Konigstein, surnommé « Ravachol » organise une série d’attentats à la bombe. Le 9 décembre 1893, Auguste Vaillant lance dans la chambre des députés une bombe chargée de clous. L’anarchisme s’en prend même aux plus hautes figures de l’état. Le 24 juin 1894, le président de la République Saadi Carnot est poignardé par l’anarchiste italien Sante Geronimo Caserio. Ce dernier meurt de ses blessures quelques jours plus tard. Ce climat délétère est fortement corrélé avec la situation économique de la période en France, marquée par la paupérisation des classes populaires. Le milieu ouvrier ne croit plus à la capacité de la République à améliorer leur sort. La IIIème République s’était surtout appuyée sur les milieux intellectuels et libéraux, mais pas sur la classe ouvrière. Sur le plan politique, la récession favorise la montée de Jules Guesdes, initialement anarchiste mais qui devient par la suite collectiviste. Il prend alors la tête du Parti ouvrier en 1879 qui devient le Parti ouvrier de France en 1882 et montre son opposition farouche à l’économie de marché et au capitalisme financier.

https://www.lemonde.fr/la-crise-financiere/article/2008/10/10/les-krachs-boursiers-une-vieille-histoire_1105364_1101386.html

https://www.cairn.info/revue-economique-2010-3-page-421.htm#

https://fr.wikipedia.org/wiki/Union_générale

https://lexpansion.lexpress.fr/actualite-economique/comment-le-credit-lyonnais-devint-sage_1329993.html

https://fr.wikipedia.org/wiki/Krach_boursier_de_1882#cite_note-5

https://www.lemonde.fr/economie/article/2013/06/14/le-krach-de-1873-et-la-grande-depression_3430247_3234.html

https://www.edubourse.com/guide-bourse/krach-vienne-1873.php

http://www.fb-bourse.com/le-krach-boursier-de-1873/

Evolution de la calligraphie occidentale au Moyen-Age

L’art calligraphique existe depuis que les hommes pratiquent l’écriture. D’abord un moyen de garder une trace des transactions commerciales de la vie courante, l’écriture s’est ensuite élargie à de nombreux autres usages, notamment dans les plus hautes sphères des sociétés (parmi les élites dirigeantes et les ordres religieux) dans les premiers temps. Etymologiquement, le mot calligraphie vient du grec kalos, signifiant « beau » ; il peut donc être défini comme « l’art de la belle écriture ». A l’instar de l’écriture, dont elle tire ses origines, la calligraphie est universelle, mais diffère selon les cultures. Si la calligraphie persane, ou « orientale », se base sur l’alphabet arabe, la calligraphie occidentale, elle, repose sur l’embellissement des caractères latins. Encore de nos jours, l’art calligraphique occidental est omniprésent dans nos sociétés : chaque marque, chaque produit, en cherchant à se distinguer de ses concurrents, adopte son propre son style calligraphique pour attirer l’œil du consommateur et s’assurer d’être facilement reconnaissable par tous – même par ceux qui ne parlent pas forcément la langue ou n’utilisent pas le même alphabet.

Les premières traces de calligraphie occidentale remontent à l’époque romaine, à la fin du VIIe siècle avant J.-C, à une période où les Romains s’inspiraient de l’écriture des Grecs et l’adaptaient à la phonétique latine. Plusieurs écritures calligraphiques romaines en sont ainsi issues, comme la Capitale Romaine, la Quadrata, la Rustica et la Cursive. L’écriture romaine est par conséquent à l’origine de toutes les calligraphies latines.
La calligraphie occidentale s’est ensuite essentiellement développée grâce aux moines chrétiens durant le Moyen-Age. A une époque où l’imprimerie n’existait pas encore, la seule solution pour diffuser le savoir biblique et les textes religieux consistait à recopier les ouvrages, un à un, page après page : ce sont ce qu’on appelle les manuscrits (du latin manus, « les mains » et scribere, « écrire »).

Cette tâche occupait une grande partie du temps des moines copistes. Le film « Le nom de la Rose » réalisé par Jean-Jacques Annaud et sorti sur grand écran en 1986, est un drame médiéval mettant en scène le travail manuscrit réalisé par les moines copistes dans une abbaye bénédictine du nord de l’Italie, sous fond de morts mystérieuses et inexpliquées. Plusieurs scènes du film exposent le scriptorium, la salle dédiée à la copie des manuscrits, et les bibliothèques. Dans cette salle, plusieurs moines s’attèlent à la charge de recopier les manuscrits, installés à leurs bureaux, munis de leur plume, de leur parchemin vierge et de leur encrier, le tout dans un silence pour ainsi dire religieux.
Recopier un texte en un nombre donné d’exemplaires ne suffit néanmoins pas pour parler de « calligraphie ». Les manuscrits médiévaux se distinguent en effet également par la diversité, la créativité des caractères et par les formes artistiques que prennent certains d’entre eux. En ce sens, les enluminures étaient essentielles pour décorer les manuscrits et leur apporter une touche moins « austère ».
De nos jours, le terme d’enluminure renvoie essentiellement à l’ensemble des éléments décoratifs et des représentations imagées exécutés dans un manuscrit pour l’embellir. Au XIIIe siècle, l’enluminure est aussi très associée à l’usage de la dorure. L’enluminure de l’époque était donc une illustration ou une lettre imagée dessinée sur un fond doré – la lettrine – le tout servant à embellir les manuscrits. Par exemple, certaines enluminures, parfois presque comiques, pouvaient consister en différents personnages, animaux ou plantes, enchevêtrés les uns les autres de manière à former des lettres.

Les enluminures ornaient principalement les premières lettres de certaines phrases (on ne verrait jamais, par exemple, une lettre enluminée au beau milieu de l’une d’entre elles). Elles servaient essentiellement à mettre en valeur les lettres majuscules en début de chapitre ou de paragraphe, à les rendre plus importantes et plus esthétiques aux yeux des lecteurs, notamment afin de les aider à mieux saisir la structure du texte.
Il existe différents types d’enluminures, en fonction de leur plus ou moins grande insertion dans le texte lui-même. Certaines enluminures se détachent totalement du texte, lorsqu’il s’agit par exemple d’une illustration en bas de page. D’autres, au contraire, sont des lettres majuscules ornées de motifs, de dessins et de dorures.

Miniature du Roman de Mélusine par les Maîtres de Guillebert de Mets, 1410
Homéliaire dit de Saint-Barthélémy (vers 1250-1300), détail d’une lettrine D comportant un autoportrait de l’enlumineuse, Guda.

Parmi les différents types d’enluminures que l’on retrouve au Moyen-Age, nous pouvons recenser les scènes figurées, les compositions décoratives, les lettrines et enfin les signes divers (qui ne peuvent pas être considérés comme des enluminures à proprement parler mais qui possèdent tout de même pour certains une valeur esthétique). Toutes ces enluminures n’étaient pas réalisées par les moines copistes, mais par d’autres moines appelés les « pictor ».
La copie des manuscrits permettait également, selon les moines chrétiens, de purifier leur âme : bien plus qu’un simple travail de répétition, cette activité très chronophage constituait pour eux une forme de prière, entre une ascèse et une louange. Cette pratique religieuse censée élever l’âme nécessitait également une extrême concentration de la part des moines copistes, ainsi qu’une très grande précision des gestes, la moindre erreur pouvant être fatale et gâcher un travail de longue haleine. La copie de manuscrits exigeait donc des moines une hygiène de vie exemplaire et surtout une très grande patience, ce que leur apprenait leur vie quotidienne en marge de la société consacrée à honorer le Seigneur. Somptueusement reliés, ces livres coûtaient si cher qu’ils restaient l’apanage de collectionneurs fortunés, clercs ou laïcs.

La calligraphie monastique a également suivi les tendances cursives traversant au fil du Moyen-Age les sociétés européennes. Ainsi, en l’an de grâce 780, la minuscule caroline voit le jour dans l’école palatine tenue par Alcuin, sous l’impulsion de Charlemagne. Ce nouveau style d’écriture se diffuse ensuite depuis l’abbaye Saint-Martin de Tours, avant de se répandre dans tout l’Empire par l’intermédiaire des codices (l’ancêtre du livre moderne), les capitulaires et divers textes religieux. La minuscule caroline se caractérise par les formes rondes et régulières de ses caractères, son homogénéité et son effort de lisibilité. Pour la première fois, un espace sépare les mots parcequavantfranchementoncomprenaitrien, et il devient enfin possible de différencier le V du U ! La caroline s’inspire de l’écriture onciale et semi-onciale, tout en incluant des éléments de l’écriture insulaire utilisée en Grande-Bretagne et en Irlande, et se diffuse en Europe à partir du IXe siècle.
Ses particularités la rendent plus aisée à lire que sa prédécesseur, la minuscule mérovingienne, que le paléographe Bernard Bischoff qualifie de semi-cursive en raison de son écriture ferme et régulière. Issue des écritures romaines et utilisée en France sous la dynastie des mérovingiens, elle se distinguait par sa cursive étroite, verticale et resserrée, ses nombreuses ligatures, ses mots peu voire pas espacés et son latin parfois incorrect, conduisant trop suivant à des contresens. En raison de la disparition des institutions romaines en Gaule, l’écriture mérovingienne se scinda en de nombreuses variantes qui évoluèrent de manière inégale dans le royaume franc aux VIIe et VIIIe siècles. Ceci motiva Charlemagne à lancer ses grandes réformes de l’écriture pour tenter d’uniformiser les écritures régionales en Europe (tout en la rendant plus lisible), ce qui amena à la création et la diffusion de la minuscule caroline.
Enfin, à partir du XIe siècle se développe l’écriture gothique depuis les scriptoriums des abbayes du Nord de la France, de la Flandre et de l’Angleterre, avant de gagner fortement en popularité en Allemagne le siècle suivant. L’écriture gothique est une déformation de la minuscule caroline : les caractères arrondis laissent place à des lettres anguleuses aux arrondis brisés, qui ne sont pas sans rappeler les arcs brisés des cathédrales de l’époque. Il est possible, selon le médecin et homme politique français Emile Javal, que cette évolution graphique résulte de l’introduction et de la généralisation de la plume d’oie dans les scriptoriums, dont la pointe carrée formait naturellement ces lettres anguleuses.

Écriture mérovingienne dans le Lectionnaire de Luxeuil. Paris, Bibliothèque nationale de France, Manuscrits, Latin 9427, Folio 144 (Date : vers 700)
Une page du manuscrit de Freising, un des premiers parchemins en langue slave écrit en minuscules carolines
Psautier du XIVe siècle (Vulgate Ps 93:16-21), exemple-type de textus prescissus dérivé de la textura

L’invention de l’imprimerie par Gutenberg en 1450 à Mayence marque la fin d’une époque et le début d’une nouvelle. La calligraphie manuscrite occidentale cesse brutalement au profit de la presse, bien plus rapide et moins coûteuse à produire. Toutefois, jusqu’à la fin du XIXe siècle, tous les actes publics et privés, les édits royaux et les traités continuent de s’écrire à la main : chaque souverain se charge de trouver un maître écrivain expert en calligraphie pour rédiger ces dossiers, notamment parce qu’une belle calligraphie reflèterait le prestige, au même titre que d’autres arts. L’émergence de l’informatique et du traitement de texte semble signer l’arrêt de mort de la calligraphie, et son enseignement disparaît peu à peu des écoles au milieu du XXe siècle. L’héritage de la calligraphie occidentale largement développée au Moyen-Age reste néanmoins encore visible dans notre société contemporaine. La typographie et les polices d’écriture informatiques en sont en effet directement issues, or toutes les publicités, les étiquettes et les marques les utilisent pour promouvoir leurs produits (par exemple, la police d’écriture du quotidien Le Monde s’inspire de l’écriture gothique). Enfin, le monde des arts s’approprie progressivement la calligraphie, par exemple avec l’émergence ces dernières décennies des graffitis dans l’espace public. Quels que soient l’époque, l’aire géographique ou le domaine étudié, la calligraphie a donc toujours eu pour but de mettre en valeur le message de fond par la recherche de nouvelles techniques d’écriture esthétiques.


Le Brexit

23 juin 2016 : Les britanniques sont appelés aux urnes pour répondre à une question cruciale concernant l’avenir de leur pays. Les résultats du scrutin ont alors donner une majorité aux partisans du brexit. Pour la première fois dans l’histoire de l’Union Européenne, un pays membre quitte la communauté.

Alors que pour certains le Royaume Uni part à la dérive depuis que celui-ci a décidé de quitter l’UE. Pour d’autres le départ du Royaume Uni acte la victoire du peuple britannique sur les institutions européennes antidémocratique, recouvrant ainsi sa souveraineté.

Dans cet article, nous nous pencherons sur la question du vote britannique lors du référendum du Brexit et plus précisément sur les « profils » d’électeurs favorable et défavorable au Brexit. Par la suite, nous aborderons la question des conséquences présentes et éventuelles de ce Brexit pour le Royaume Uni mais aussi pour l’UE. En effet, si les défenseurs de l’Union Européenne estiment que le Brexit est une erreur aux conséquences lourdes pour le pays, d’autres ne voient pas ce fait d’un si mauvais œil et pensent que le Brexit est une occasion pour les britanniques de recouvrer une souveraineté populaire qu’ils auraient perdu.

Milieu socio-politique et orientation du vote : corrélation pertinente ou stéréotype réducteur ? ** Le 23 Juin 2016, la victoire du Brexit a révélé une certaine fracture au sein de la société britannique. Cette fracture est principalement de nature sociale, économique et identitaire. A première vue les britanniques qui ont voté pour le Remain sont ceux que l’on désigne comme les « gagnants » de la mondialisation (l’équivalent des CSP+ selon la catégorisation française). Ils incarnent ceux qui vivent souvent en métropole, voire dans l’hypercentre de celles-ci. A l’inverse, ceux qui ont voté en faveur de la sortie du Royaume-Uni de l’UE (Leave) sont considérés comme les « perdants » de la mondialisation. Ce sont les milieux moyens et populaires dont le déclassement au sein de la mondialisation est de plus en plus admis, ces populations vivent dans les milieux ruraux et anciens centres industriels victimes de nombreuses délocalisations. Néanmoins cette fracture qui s’apparente à celle présente lors de l’élection américaine de 2016 peut être jugée trop schématique


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Le référendum du Brexit dépasse le clivage électoral classique au Royaume-Uni et les dissensions au sein même des grands partis (travaillistes et conservateurs) en témoignent. Les catégories de population qui ont massivement voté en faveur d’un départ du Royaume Uni sont les retraités modestes et les victimes des nombreuses politiques d’austérité que subit le Royaume-Uni depuis plusieurs années. Ce vote est sans doute l’expression de ce sentiment déclassement et appauvrissement que subissent ces populations. Néanmoins le référendum du Brexit révèle également une fracture identitaire au-delà de la fracture sociale et économique. Cette fracture identitaire renvoie au traditionnel euroscepticisme britannique mais aussi à la montée des mouvements populistes. En effet, certaines régions relativement pauvres ont largement voté en faveur du Remain et d’autres relativement bien insérées dans la mondialisation en faveurs du Leave ; ceci s’explique par l’évolution de la population dans ces régions. Certaines régions paupérisées, où les minorités ethniques sont plus nombreuses en comparaison à la moyenne nationale, ont largement voté en faveur d’un maintien du Royaume-Uni dans l’Union Européenne (ex centre est de Londres). A l’inverse dans certaines régions relativement insérées (ex Boston) le Leave est arrivé largement en tête ceci s’explique par sensibilités de ces populations au discours populistes face au chamboulement démographique puis communautaire de leur région.

Un diagnostic établi par les remainer prévoyant des effets indésirables :

Après d’interminables discussions entre Londres et Bruxelles pour trouver un accord de sortie, le Royaume-Uni quitte l’UE en ce début d’année 2020 avec l’espoir de trouver un accord d’ici 2021. En effet, le Royaume-Uni est pour le moment en période de transition (notamment sur le plan économique/commerciale) et reste à ce titre soumis à de nombreuses règles de l’UE même s’il ne fait plus partis de ses institutions. Face à cette incertitude, nombreuses sont les personnalités politiques, instituions ou organismes mettant en garde contre un no deal dont les conséquences seraient dévastatrices. Cependant un bilan économique du Brexit ne peut être traité pour le moment car le recul est insuffisant et celui-ci dépendra notamment de si un accord notamment commercial est conclu. (D’autant plus que certains secteurs par exemple le Luxe français, ont bénéficié en Europe en 2019 de cette incertitude dû à un éventuel no deal ce qui a grossi les stocks, situation dû a un contexte particulier qui évoluera. Cependant un point est à souligner, beaucoup d’acteurs économiques supportent mal l’incertitude.). C’est peut-être cette incertitude sur le no deal qui impactera l’économie britannique même si la crise économique qu’a enclenché la pandémie rebat certainement les cartes. D’autant plus que cette période de transition ne prendra fin en décembre 2020 que théoriquement. Or l’histoire du Brexit montre que les délais sont rarement tenus et que certains points de désaccords profonds tel que les zones de pêche s’avèrent extrêmement complexe, ceci amplifie d’autant plus l’incertitude qui reste cependant moindre qu’auparavant. La période de transition d’autant plus marqué par la crise sanitaire et économique du covid-19 laisse aux entreprises un temps d’adaptation très court. L’un des autres sujets d’inquiétude pour Bruxelles est l’évolution de la réglementation financière et fiscal du Royaume- Uni qui pourrait perturber la zone euro. L’UE se réserve ainsi le droit après la sortie complète du R-U de l’UE, d’autoriser les institutions financières britanniques à agir sur la zone euro. Le Royaume Uni pourrait notamment pratiquait un dumping fiscal et social et valoriser l’entreprenariat en le déchargeant d’importantes contraintes, tout ceci pourrait grandement déranger ses voisins européens. Divers études ont alors été menés par exemple par Bloomberg (https://www.bloomberg.com/news/articles/2020-01-10/-170-billion-and-counting-the-cost-ofbrexit-for-the-u-k ) pour étudier tout d’abord le coût du Brexit pour le Royaume Uni puis les conséquence de celui-ci. D’après Bloomberg le Brexit a couté 130 milliards à l’économie britannique sur la période 2017-2018 et ceci ne cesserait d’augmenter dans le futur. Bloomberg dresse alors un bilan très négatif de la situation économique du Royaume-Uni suite au vote du Brexit qui serait responsable de la baisse de la croissance britannique. Ainsi, Bloomberg énonce «But they have been diverging since the vote to leave the EU, with the British economy now 3% smaller than it could have been had the relationship been maintained. ».


https://www.washingtontimes.com/news/2019/mar/24/theresa-may-pressed-resign-save-brexit/

Le gouvernement britannique se montrait alors bien plus positif. Face à ces incertitudes, beaucoup d’investissements, de fusions-acquisitions… ont été suspendu car cette sortie n’est qu’une période de transition et les relations futures entre l’UE et le Royaume-Uni sont encore à définir. La situation en ce début du mois de juillet 2020 est bien différente des perspectives début 2020, le Royaume-Uni est très fortement touché par la pandémie que ce soit sur le plan sanitaire (plus de 42 000 morts) ou économique (chute du PIB de plus de 11% sur l’année 2020 d’après l’OCDE).

(Le Royaume-Uni doit ainsi redresser son économie et pour atteindre le niveau d’avant crise une route relativement longue est envisageable. Cette faiblesse économique du Royaume-Uni pourrait augmenter l’incertitude sur sa capacité à se relever économiquement en cas de no deal. )

Des conséquences néfastes à relativiser :

Néanmoins ce qui est certains c’est qu’à présent le Royaume-Uni est bien plus libre juridiquement. Cette liberté Boris Johnson comptait dessus pour lancer un programme d’investissement notamment en infrastructure afin d’intégrer les espaces délaissés par la mondialisation ou encore pour moderniser et revoir les dépenses de la NHS ou bien réformer l’administration en favorisant le principe de subsidiarité. La crise actuelle facilitera peut-être certaines réformes législatives mais d’autres (investissements) seront peut-être plus difficile à mettre en place notamment pour des questions de financements. En effet, le confinement coûte et coutera chère à l’économie et l’état britannique, ainsi mener de grands investissements notamment en infrastructures alors que les caisses de l’état seront bien amaigries par le plan de relance que nécessite le déconfinement, s’avère délicat d’autant plus que jusqu’à présent les investissements étrangers dans les infrastructures britannique étaient très importants. Ainsi, le Royaume-Uni a accueilli plus de 23 milliards d’euros d’investissements chinois sur la période 2000- 2016 ce qui en fait le premier bénéficiaire de l’UE.


https://www.lepoint.fr/monde/royaume-uni-de-juteux-contrats-attendus-au-deuxieme-jour-de-la-visite-de-xi-jinping-21-10-2015-1975430_24.php

La Chine a en effet beaucoup investi dans les infrastructures britanniques ces 20 dernières années finançant par exemple des projets de centrales nucléaire, la CIC (China Investment Corporation) détient 10% de l’aéroport d’Heathrow et 9% du réseau de distribution d’eau de Londres… C’est par exemple aujourd’hui Huawei qui fournit en équipement la British Telecom & Vodafone UK. Lors du référendum Pékin défend publiquement le Remain, laissant ouvertement paraître sa stratégie, ces investissements permettent en effet à la Chine d’accéder à tout le reste de l’UE, le Royaume Uni est alors la tête de pont vers l’UE et sa place financière mondiale (la City) joue un rôle également stratégique. La sortie de l’UE met sûrement à mal cette stratégie, il est alors possible que Pékin réduise ses investissements au Royaume Uni à moyen terme si telle était la stratégie adoptée. Le Royaume Uni devrait alors trouver quelques nouveaux investisseurs pour financer ses investissements en infrastructure d’autant plus que les caisses de l’état seront quasiment vides.

Le Brexit aura également des conséquences pour l’UE qui perd 15% de son PIB et 13% de sa population. L’Europe pèsera moins sur le plan démographique et économique, son influence dans les relations internationales et son pouvoir de négociations sera donc très probablement amoindrie. D’autant plus qu’avec le Brexit, l’UE perd l’une de ses principales puissances militaires et la France se retrouve désormais seule détentrice de la puissance nucléaire au sein l’UE. Le budget de l’UE (déjà très faible) sera lui aussi impactait puisque le Royaume Uni représentait plus de 12 % du budget d’autant plus qu’au même titre que la France et l’Allemagne, le R-U faisait partie des plus grands contributeurs net. Ceci semble embêtait Bruxelles au vu de la facture que l’UE demande au Royaume Uni pour le Brexit. Le Royaume Uni est également un grand importateur de l’UE qui aurait donc intérêt à trouver un accord. Cependant pour certains Bruxelles fait et fera tout son possible pour que le Royaume-Uni ne se présente pas d’ici quelques années sous une croissante radieuse aux yeux des pays d’Europe en difficultés. Que dirai l’Italie si elle voyait son voisin britannique s’enrichir après son départ de l’UE ?


https://www.express.co.uk/news/politics/1313788/italexit-italy-eu-exit-brexit-Nigel-Farage-Gianluigi-Paragone-Latest-update

Bien sûr le redressement du Royaume-Uni n’est qu’une hypothèse, mais si elle se produisait…la réaction des pays tels que l’Italie pourrait provoquait l’éclatement de l’UE. L’on peut se demander par quel moyen le Royaume-Uni pourrait prospérer après son départ de l’UE même si cet exercice est hasardeux. L’on peut par exemple penser à un rapprochement avec les Etats-Unis. En effet le Royaume-Uni pourrait se rapprocher de son allié traditionnel mais ceci surtout dans un contexte où Trump joue la division en proposant à Guiseppe Compte de l’aider à payer la dette de l’Italie si elle quitte l’euro et l’UE ou à macron des accords commerciaux des plus intéressants pour la France si elle quitte l’euro et l’UE. Or ce rapprochement serait bien plus difficile avec un président américain bien moins hostile à l’égard de l’UE.


 https://www.france24.com/fr/20180629-trump-propose-macron-quitter-union-europeenne-accords-commerciaux.

Une sortie aisée puis accompagnée d’un redressement de l’économie britannique ouvrirait la porte à la sortie d’autres pays de l’UE (c’est pourquoi l’UE fait son possible pour démontrer qu’il est très difficile de sortir de l’UE et fera peut-être son possible pour montrer les conséquences néfastes d’une sortie). Attali explique lui-même en tant que rédacteur des premières versions du traité de Maastricht l’esprit du traité sur ce point dont chacun juge ce qu’il en pense malgré un discours sans équivoque. (je vous conseil d’ailleurs de visualiser la vidéo de son discours https://www.dailymotion.com/video/xp2073 , voici l’extrait en question https://www.youtube.com/watch?v=ZWBreXNezgk 

– FIN –

29 Juin 2020

Charles Roussel

Pour aller plus loin, voici quelques sources utilisées, notamment des cartes pour analyser les résultat du scrutin :

https://journals.openedition.org/espacepolitique/4555 (notamment cartes 1 et 3)

https://www.ons.gov.uk/methodology/geography/geographicalproducts/areaclassifications/2011areaclassifications/maps (notamment cartes 1-6-8)

Relations entre l’Iran et l’Occident : une histoire faite de rebondissements depuis la Guerre Froide

En février 1979, la révolution iranienne, marquée par la destitution du chah d’Iran, monarque pro-américain, entraîne immédiatement le gel des relations entre le bloc ouest et l’Iran. L’Ayatollah Khomeiny décide alors de mettre en place une politique autarcique, basée sur la rupture des relations économiques et diplomatiques avec les pays occidentaux. Cette révolution marque alors le point de départ, d’une sorte de « guerre froide » irano-occidentale, s’établissant sur un plan idéologique, politique et économique.

La période antérieure à la Révolution :

Durant les années 1950, l’Iran adopte une position pro-occidentale, par le biais de la politique menée par le Chah Mohammad Reza. Dans une optique de mise en place de partenariats économiques avec le bloc de l’ouest, l’Iran rejoint le pacte de Bagdad signé le 24 février 1955, visant à ralentir l’influence soviétique au Moyen-Orient. En parallèle, des tensions entre l’Iran et l’URSS apparaissent, en 1956, la rencontre entre le chah et Nikita Khrouchtchev est peu chaleureuse. A la fin des années 1950, l’Iran se rapproche alors des Etats-Unis et lance alors un plan de modernisation, d’occidentalisation du pays, correspondant à des plans de développement et aboutissant à la Révolution blanche à partir de 1963. Ces réformes s’établissent sur plan économique et social, mais passe également par un progressisme sociétal. A titre d’exemples, les soins médicaux deviennent gratuits, les profits des industries sont redistribués aux ouvriers d’une manière plus équitable les zones rurales sont intégrées dans un programme d’urbanisation. En parallèle, les femmes voient leurs droits évoluer, en 1975, l’égalité parentale entre mari et femme est promulguée, ainsi que l’instauration d’une égalité entre mari et femme dans le cadre du divorce. Puis, durant la même période, une loi permet l’ouverture et l’essor des films occidentaux en Iran.

La mise en place de la Révolution :

Face à l’élaboration de ces lois, le chah devient impopulaire auprès de la frange conservatrice, attachée aux valeurs traditionnelles de l’Islam. La figure de proue de cette contestation, l’Ayatollah Khomeini, va alors émerger. Religieux respecté, il est exilé d’Iran de 1964 à 1979, et est considéré comme le meneur de la Révolution iranienne. Par ailleurs, cette révolution iranienne n’est pas née instinctivement, celle-ci est liée à différents évènements sur le plan économique, politique, sociétal mais également symbolique. Tout d’abord, les années 1960 sont une période de croissance économique forte pour l’Iran notamment grâce à une hausse de la demande de pétrole. Cependant, cette croissance s’accompagne d’une inflation forte, et cette production de valeur ajoutée n’est pas profitable à tous, et ce, malgré les réformes visant à favorisant les milieux ouvriers et ruraux. Dans ce contexte, où les écarts de conditions de vie entre la population occidentalisée et rurale à tendance conservatrice se creusent, des évènements symboliques ont également constitué des vecteurs remettant en cause la légitimité du chah. A titre d’exemple, pour célébrer le 2500ème anniversaire de l’empire perse, en octobre 1971, des festivités avaient été organisées et dont le coût exorbitant avait été estimé entre 100 et 300 millions de dollars. L’Ayatollah Khomeini estimant que ce festival est un lieu de débauche qualifiera celui-ci de « festival du diable ». Puis, sur le plan politique, l’Iran est contraint de libéraliser son système, sous les pressions du président américain démocrate Jimmy Carter. En échange d’une continuité de livraison d’armes à l’Iran, Jimmy Carter obtient alors la promesse de l’Iran d’assouplir son système politique et à essayer de respecter les droits de l’Homme. En 1977, la liberté d’association est autorisée et des prisonniers politiques sont libérés. Cette indulgence du chah sur le plan politique se révèlera fatal pour ce dernier. En effet, à l’issue de ces évolutions, des contestations naissent et se multiplient dans le pays. En effet, à partir de l’année suivante, les manifestations se révèlent de plus en plus violentes, les policiers n’hésitent pas à tirer à balles réelles sur les manifestants. Les manifestations gagnent alors en intensité, le 12 décembre 1978 deux millions de personnes manifestent à Téhéran.

L’exil du chah et le changement de ton avec l’Occident :

La situation devenant insoutenable, le chah prend la fuite le 16 janvier 1979, il trouve par la suite refuge aux Etats-Unis où il se fait soigner pour son cancer. En parallèle, l’Iran voit son système politique changer radicalement. L’Ayatollah Khomeini, après 15 ans d’exil, est accueilli comme un héros le premier février 1979. Il souligne sa volonté de donner un caractère démocratique à une vie politique, dans un pays où les valeurs de l’Islam ont été oubliées durant le règne du chah. Mais très rapidement, sa politique se durcit sur un plan extérieur comme intérieur. L’ayatollah adopte une position hostile face à l’Occident et plus précisément avec les Etats-Unis. A l’automne 1979, face au refus des Etats-Unis d’extrader le chah en Iran pour qu’il soit condamné à mort, l’Iran entreprend des représailles. Le 4 novembre 1979, l’ambassade des Etats-Unis à Téhéran est encerclée, entrainant la prise en otages de 53 membres. La rançon est claire : les Etats-Unis extradent le chah et en contrepartie les otages sont libérés sains et saufs. Le président de l’époque, toujours Jimmy Carter, refuse de céder à ce chantage et décide d’entreprendre une opération afin de libérer les otages, cette intervention militaire porte le nom « Eagle Claw ».  Cette opération est finalement annulée et se solde par un échec. Finalement, les otages seront libérés le 20 janvier 1981, lors de l’inauguration day, soit l’investiture de Ronald Reagan.

La période actuelle (XXème siècle), entre rapprochements et tensions :

Avec la révolution, l’Iran est alors passé d’un régime pro-occidental à une théocratie isolationniste. En effet, le pays est désormais gouverné sur la base de principes fondamentaux de l’Islam, et les écarts sont sanctionnés par la police des mœurs. En effet, la religion doit être omniprésente dans la vie des Iraniens, et ceux, qui, même par inadvertance désobéissent aux « règles » établies peuvent être pris pour cible. On peut d’ailleurs prendre l’histoire d’une femme,qui, en avril 2018, avait fait le tour des réseaux sociaux. Celle-ci avait été prise à partie par des policiers religieux car des mèches de cheveux dépassaient de son voile, elle avait alors été violemment frappée. Cet excès de zèle de cette police dite morale avait même été dénoncé par le président Hassan Rohani. Ce régime s’affirme donc comme un contre-modèle du régime américain dans lequel les libertés individuelles sont respectées. Ce non-respect de ces libertés, prônés par le camp conservateur est légitimé au nom de la protection contre le modèle américain, considéré comme immoral. Cependant, à partir de 2009, la position d’Hassan Rohani progressiste d’Hassan Rohani, combinée avec la politique conciliante d’Obama, permet un réchauffement des relations avec les Etats-Unis. Les contacts entre les Etats-Unis et l’Iran entrainent un accord sur la question nucléaire. Le 14 juillet 2015, les Accords de Vienne sont signés entre l’Iran, les pays de l’Union Européenne et les pays membres du Conseil Permanent de Sécurité des Nations Unies. En contrepartie d’un arrêt de recherches nucléaires à des fins d’utilisation comme arme de destruction massive de la part de l’Iran, les pays occidentaux s’engagent à lever les sanctions économiques, ce qui, de facto, met fin à l’embargo pétrolier. Hassan Rohani voit alors cet accord comme une potentielle ouverture de son pays pouvant lui apporter à terme des débouchés et par conséquent une prospérité économique. Cependant, à partir de 2017, l’arrivée au pouvoir de Trump et sa politique extérieure agressive jette de l’huile sur le feu dans les relations diplomatiques avec l’Iran. Le 8 mai 2018, le président américain décidant d’appliquer son programme électoral, annonce le retrait des Etats-Unis de l’accord. Cette politique est jugée irresponsable de la part de la communauté internationale. En effet, celle-ci est vecteur de déséquilibre au Moyen-Orient, l’Iran étant considéré comme une puissance majeure dans cette région. Cette annonce marque le début d’une escalade entre les Etats-Unis et l’Iran puisque la fin de cet accord signifie le retour de l’embargo américain et alors celui des difficultés économiques pour l’Iran. A l’issue de ce retrait des Etats-Unis la tension monte alors en crescendo, dont le point culminant est atteint en juin 2019. Le 13 juin 2019, un pétrolier japonais est attaqué dans le détroit d’Ormuz. Cette attaque n’étant pas revendiquée, les Etats-Unis accusent alors l’Iran, ce qui crée des tensions diplomatiques. Les Etats-Unis envoient 1000 soldats à la frontière iranienne à l’issue de cet évènement. Le 20 juin, l’Iran annonce avoir abattu un drone américain, qui aurait pénétré le territoire. Trump aurait alors décidé d’une intervention militaire, mais l’aurait annulée à la dernière minute.

Les relations entre l’Iran et l’Occident ont alors évolué au gré des changements de politiques de part et d’autre. L’Iran est passé d’une position pro-occidentale à une position farouchement anti-occidentale à partir de la révolution islamique. Aujourd’hui, la politique du président réformateur Hassan Rohani est plus conciliante mais est loin d’être pro-occidentale. En effet, les divergences idéologiques sont assez exacerbées : l’Occident, favorable à la démocratie, à la liberté d’expression et aux respects des droits de l’Homme s’oppose à la théocratie iranienne, où critiquer le régime peut vous faire valoir d’être arrêté et emprisonné. Ces tensions entre l’Iran et l’Occident peuvent d’ailleurs être symbolisées par l’incarcération de Roland Marchal et Fariba Abdelkhah, respectivement sociologue et anthropologue, accusés d’espionnage, et de nuire à la sécurité de l’état iranien.