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Les manifestations à Hong-Kong de 2019-2020

Depuis le 15 mars 2019, de violents affrontements opposent une partie des habitants de Hong-Kong aux forces de police. Originellement, ces manifestations font suite à un amendement à la loi d’extradition présenté par le gouvernement de Hong-Kong, qui faciliterait l’intervention du pouvoir de Pékin dans le système juridique indépendant de Hong-Kong. La loi d’extradition menacerait par conséquent la sécurité personnelle de tous les Hong-Kongais, résidents permanents comme touristes de passage, selon ses opposants. En quoi les manifestations de 2019-2020 dans le petit territoire indépendant au sud-est de la Chine créent-elles une situation si particulière ?

Contexte géopolitique

Ancienne colonie britannique, Hong-Kong ne s’est détachée du Royaume-Uni que tardivement, le 1er juillet 1997, date à laquelle la région a été rétrocédée à la Chine. Toutefois, Hong-Kong garde depuis son autonomie politique, en conservant son système légal (la « common law » d’inspiration britannique), sa monnaie (le dollar de Hong-Kong), son système politique multipartiste, ses équipes sportives nationales, ses lois sur l’immigration, etc. Cette autonomie devait perdurer jusqu’en 2047, d’après la promesse de la République populaire de Chine faite à l’occasion d’une déclaration sino-britannique commune.

La loi d’extradition semble compromettre la pérennité des systèmes judiciaire et multipartiste hong-kongais. L’amendement introduit par le gouvernement consiste en une « ordonnance sur les délinquants en fuite relative à l’entraide judiciaire avec les autres pays qui n’ont pas d’arrangement avec Hong-Kong ». Cet amendement survient à peine un an après une difficulté judiciaire engendrée par un simple fait divers : en 2018, un natif de Hong-Kong tue sa petite amie enceinte à Taïwan, puis s’enfuit dans le régime administratif spécial (RAS) de Hong-Kong pour échapper aux poursuites. En effet, le gouvernement hong-kongais ne pouvait ni le juger à Hong-Kong, d’après le principe du territoire de 1987 stipulant que les fugitifs doivent être renvoyés pour jugement sur le lieu de leur crime, ni l’extrader à Taïwan car il n’y a pas de traité d’extradition avec ce pays. La loi d’extradition a censément été amendée pour éviter ce genre de problèmes à l’avenir.

Réactions

L’amendement à la loi d’extradition a provoqué de vives critiques à Hong-Kong et dans le reste du monde. De nombreux juristes, journalistes, groupes d’affaires et gouvernements occidentaux craignent en effet qu’il ne réduise l’indépendance du système judiciaire de Hong-Kong et affecte la stabilité juridique nécessaire aux affaires. Cette loi permettrait ainsi d’extrader de nombreux éléments que le gouvernement de Hong-Kong, dépendant de Pékin, considère comme « nuisibles », « perturbateurs » ou, plus généralement, les opposants politiques, vers la République Populaire de Chine, où le système judiciaire est moins indépendant. 

L’extradition pourrait concerner des organisations criminelles influentes qui, d’ailleurs, exercent parfois leurs activités sur l’ensemble du territoire chinois à partir de Hong-Kong, mais aussi les activistes indépendantistes de la région administrative spéciale. Si démanteler une vaste organisation criminelle est un objectif souhaitable pour tous, les opposants politiques ne sont pas considérés comme des hors-la-loi par les Occidentaux et faciliter leur condamnation menacerait les libertés hong-kongaises.

Cette peur d’une « justice politisée », là où auparavant prédominaient le multipartisme et la liberté de penser, de réunion et d’opinion (contrairement au reste de la Chine), a provoqué plusieurs manifestations et rassemblements à Hong-Kong. Le 9 juin 2019, près d’un million de Hong-kongais, soit un huitième de la population, participèrent à une manifestation dans les rues de la capitale contre la loi et pour la démission du chef de l’exécutif à l’origine de l’amendement, Mme Lam. 

A ces revendications, s’ajoutent à partir du 12 juin la condamnation de la violence policière hong-kongaise et la demande de libération de manifestants détenus. En effet, certains policiers n’ont pas hésité à utiliser du gaz lacrymogène, des projectiles en sachet et des armes à feu tirant des balles en caoutchouc sur les manifestants, suscitant l’indignation internationale, notamment de l’ONG Amnesty International, pendant que des étudiants étaient arrêtés et enfermés comme émeutiers. Depuis le mois de juillet 2019, les manifestants réclament la création d’un comité indépendant afin d’enquêter sur les violences policières, mais aussi, sur un plan plus politique, la dissolution du conseil législatif et l’introduction du suffrage universel. De manière plus générale, les manifestants exigent davantage de libertés.

Des manifestations se sont également produites dans le reste du monde, notamment là où l’on retrouve d’importantes communautés hong-kongaises, comme à Toronto et Vancouver au Canada, mais aussi aux Etats-Unis (à Times Square, devant la Maison Blanche et à New-York), au Japon, à Taïwan, en Australie et en Europe, surtout au Royaume-Uni, notamment à Londres.

Fondamentalement, ce mouvement populaire semble exprimer le rejet du régime chinois par les Hong-kongais, deux systèmes bien distincts coexistant actuellement, et même un rejet de la Chine elle-même. Selon une enquête de l’Université de Hong-Kong, seuls 11% des habitants se considèrent Chinois. 

Ces mouvements protestataires ne peuvent sans doute pas conduire à l’indépendance totale de Hong-Kong. Pour autant, les autorités chinoises se trouvent dans une situation délicate. En effet, les manifestations pro-démocratie ont eu un large écho dans les démocraties occidentales. Or, l’intérêt économique de Hong-Kong, pour la Chine, tient à ses relations étroites avec le reste du monde développé. 

Ainsi, le régime chinois paraît vouloir profiter de l’épidémie de coronavirus pour restreindre les libertés, interdire les manifestations et faire avancer ses réformes. Toutefois, les Etats-Unis viennent de menacer la Chine de remettre en cause certaines facilités dont bénéficie Hong-Kong et sans lesquelles elle ne serait pas une des principales places financières asiatiques. La situation demeure complexe à gérer pour Pékin et son évolution, incertaine. 

L’impact de l’épidémie de coronavirus sur les équilibres géopolitiques mondiaux

La planète a rarement connu un choc d’une telle ampleur, affectant simultanément presque tous les pays. Celui-ci a nécessairement des effets sur les relations internationales et les rapports de force entre grandes puissances. Il s’agit aujourd’hui de savoir, outre s’il sera important et durable, s’il accentuera des tendances actuelles ou si, au contraire, il les remettra en cause.

A de nombreux égards, cette épidémie semble de nature à amplifier des tendances observées depuis trois décennies.

Cette épidémie est mondiale et s’inscrit pleinement dans le mouvement de la mondialisation. Certes, les fléaux sanitaires n’ont pas attendu l’époque actuelle pour se propager d’un bout à l’autre de la planète, telle la Grande Peste venue d’Asie, qui a tué entre le quart et le tiers de la population européenne entre 1347 et 1353. Toutefois, l’épidémie actuelle se distingue par la rapidité et l’ampleur de sa propagation, puisque tous les continents ont été affectés en quelques semaines. 

Conséquence de la mondialisation, la diffusion de cette maladie renforce et approfondit cette dernière. Même si la coopération entre Etats reste difficile, elle s’est avérée nécessaire à cette occasion et elle s’est développée, qu’il s’agisse d’échanger des informations ou d’apporter différentes formes d’aide, comme la prise en charge de malades (Français hospitalisés en Allemagne), l’envoi de médecins spécialistes ou même de projections statistiques réalisées à l’intention d’autres pays. 

La coopération en matière de recherche sur le virus, les traitements et les vaccins possibles a atteint un degré remarquable, rarement égalé par le passé dans de telles circonstances. Ainsi les scientifiques du monde entier ont-ils eu rapidement accès au génome du virus décrypté. Les résultats des études sur la maladie et l’efficacité des traitements circulent presque en temps réel.

Le coronavirus, venu de Chine, paraît renforcer paradoxalement la stature internationale de l’empire du Milieu. Ses méthodes de lutte contre la maladie, certes difficilement transposables partout dans le monde, ont montré une certaine efficacité. Elle constitue le premier fournisseur de masques et ses cargaisons sont souvent attendues avec impatience. Elle veille aussi à mettre en scène l’aide internationale qu’elle déploie. Elle paraît également avoir à nouveau « marqué des points » en Afrique dans un contexte où les autres pays développés donnaient la priorité à leurs problèmes intérieurs.

L’affaiblissement du leadership américain s’est encore manifesté à l’occasion de cette crise internationale, dans la lignée d’une politique étrangère des Etats-Unis clairement isolationniste et indifférente à la gouvernance mondiale. Personne n’a remarqué que les Etats-Unis présidaient le G20 cette année, ceux-ci n’ayant pris aucune initiative. L’UE ne représentant pas une superpuissance de substitution, faute d’unité de vues et de capacités opérationnelles, la Chine semble une nouvelle fois profiter de cette situation pour s’affirmer sur la scène internationale. 

L’épidémie de coronavirus met en relief le caractère devenu multipolaire du système international. Ceci comporte d’ailleurs des aspects négatifs, d’autant que l’on ne peut que déplorer, parallèlement, l’impuissance des instances multilatérales, y compris l’Organisation mondiale de la Santé, à jouer leur rôle face à un tel phénomène planétaire, ce qui, là encore, ne fait que confirmer un constat bien établi…

Pour autant, cette crise ne contredit pas l’idée que s’amorcerait une forme de « démondialisation » sous la forme, modérée, d’une renationalisation de certaines fonctions et d’une régionalisation des échanges internationaux. 

Les pénuries de matériels et parfois de savoir-faire ont fait cruellement ressentir des situations de dépendance à l’égard de l’étranger et – semble-t-il – donné l’impulsion à des politiques visant à restaurer des formes de souveraineté, de contrôle des décisions et de capacité de production dans des domaines et des secteurs jugés stratégiques, comme ceux de la santé et du médicament. Plus globalement, l’interruption de certains approvisionnements, à cause des transports ou de la mise à l’arrêt de fournisseurs, a montré la fragilité de chaînes de production s’étendant dans le monde entier. 

Il est prématuré d’en conclure à une prochaine vague de relocalisations, mais les facteurs allant dans le sens d’une démondialisation, au moins relative, pèsent aujourd’hui davantage que ceux qui vont en sens inverse. A défaut de pouvoir rapatrier la fabrication de certains produits et composants, notamment pour des raisons de coûts, les Etats semblent esquisser une réflexion sur la relocalisation vers un « étranger proche » (par exemple, au Maghreb s’agissant de l’Europe) ou au sein d’un ensemble économique cohérent et relativement solidaire (typiquement l’Union européenne). 

Cette tendance était déjà à l’œuvre, du fait de l’augmentation des coûts du travail en Asie et de la montée des préoccupations écologiques, qui invitent à privilégier les circuits courts.

Par ailleurs, la récession, d’une brutalité inédite, a mis en en danger des entreprises nationales emblématiques et des filières entières, conduisant les Etats à intervenir massivement dans les économies pour soutenir l’activité et les revenus ainsi que pour sauver certaines grandes entreprises nationales. 

De même, la montée en puissance de la Chine pourrait avoir culminé à l’occasion de cette crise, qui contient peut-être les germes d’un recul ou annonce au moins, dans certains domaines, un coup d’arrêt. 

Celle-ci autrefois vue comme un marché prometteur, un fournisseur à bas coûts et un partenaire incontournable apparaît de plus en plus, pour l’UE et les Etats-Unis, comme un rival stratégique, un concurrent dangereux voire déloyal, un Etat et un régime intrinsèquement différents ne partageant pas les mêmes valeurs ni les mêmes règles du jeu. Ses hésitations au début de la crise, son manque de transparence sur l’origine du coronavirus comme sur sa propagation, allant jusqu’à la répression initiale des « porteurs de mauvaises nouvelles », ont durablement affecté son image et même permis à certains d’essayer d’en faire un bouc-émissaire.

Au total, par-delà les exagérations de journalistes et d’éditorialistes prompts à décréter que « plus jamais rien ne sera comme avant » (il n’est par exemple pas évident que cette crise va renforcer les préoccupations écologiques et pouvoir justifier pendant longtemps la hausse de l’endettement public), il s’avère que l’épidémie de coronavirus consacre certains renversements de tendances sur la scène internationale. Par définition, ces moments de bascule, où de nouveaux phénomènes ne font encore que prendre forme, créent un avenir particulièrement incertain et vont de pair avec un monde instable.

Martin Vasseur

Relations entre l’Iran et l’Occident : une histoire faite de rebondissements depuis la Guerre Froide

En février 1979, la révolution iranienne, marquée par la destitution du chah d’Iran, monarque pro-américain, entraîne immédiatement le gel des relations entre le bloc ouest et l’Iran. L’Ayatollah Khomeiny décide alors de mettre en place une politique autarcique, basée sur la rupture des relations économiques et diplomatiques avec les pays occidentaux. Cette révolution marque alors le point de départ, d’une sorte de « guerre froide » irano-occidentale, s’établissant sur un plan idéologique, politique et économique.

La période antérieure à la Révolution :

Durant les années 1950, l’Iran adopte une position pro-occidentale, par le biais de la politique menée par le Chah Mohammad Reza. Dans une optique de mise en place de partenariats économiques avec le bloc de l’ouest, l’Iran rejoint le pacte de Bagdad signé le 24 février 1955, visant à ralentir l’influence soviétique au Moyen-Orient. En parallèle, des tensions entre l’Iran et l’URSS apparaissent, en 1956, la rencontre entre le chah et Nikita Khrouchtchev est peu chaleureuse. A la fin des années 1950, l’Iran se rapproche alors des Etats-Unis et lance alors un plan de modernisation, d’occidentalisation du pays, correspondant à des plans de développement et aboutissant à la Révolution blanche à partir de 1963. Ces réformes s’établissent sur plan économique et social, mais passe également par un progressisme sociétal. A titre d’exemples, les soins médicaux deviennent gratuits, les profits des industries sont redistribués aux ouvriers d’une manière plus équitable les zones rurales sont intégrées dans un programme d’urbanisation. En parallèle, les femmes voient leurs droits évoluer, en 1975, l’égalité parentale entre mari et femme est promulguée, ainsi que l’instauration d’une égalité entre mari et femme dans le cadre du divorce. Puis, durant la même période, une loi permet l’ouverture et l’essor des films occidentaux en Iran.

La mise en place de la Révolution :

Face à l’élaboration de ces lois, le chah devient impopulaire auprès de la frange conservatrice, attachée aux valeurs traditionnelles de l’Islam. La figure de proue de cette contestation, l’Ayatollah Khomeini, va alors émerger. Religieux respecté, il est exilé d’Iran de 1964 à 1979, et est considéré comme le meneur de la Révolution iranienne. Par ailleurs, cette révolution iranienne n’est pas née instinctivement, celle-ci est liée à différents évènements sur le plan économique, politique, sociétal mais également symbolique. Tout d’abord, les années 1960 sont une période de croissance économique forte pour l’Iran notamment grâce à une hausse de la demande de pétrole. Cependant, cette croissance s’accompagne d’une inflation forte, et cette production de valeur ajoutée n’est pas profitable à tous, et ce, malgré les réformes visant à favorisant les milieux ouvriers et ruraux. Dans ce contexte, où les écarts de conditions de vie entre la population occidentalisée et rurale à tendance conservatrice se creusent, des évènements symboliques ont également constitué des vecteurs remettant en cause la légitimité du chah. A titre d’exemple, pour célébrer le 2500ème anniversaire de l’empire perse, en octobre 1971, des festivités avaient été organisées et dont le coût exorbitant avait été estimé entre 100 et 300 millions de dollars. L’Ayatollah Khomeini estimant que ce festival est un lieu de débauche qualifiera celui-ci de « festival du diable ». Puis, sur le plan politique, l’Iran est contraint de libéraliser son système, sous les pressions du président américain démocrate Jimmy Carter. En échange d’une continuité de livraison d’armes à l’Iran, Jimmy Carter obtient alors la promesse de l’Iran d’assouplir son système politique et à essayer de respecter les droits de l’Homme. En 1977, la liberté d’association est autorisée et des prisonniers politiques sont libérés. Cette indulgence du chah sur le plan politique se révèlera fatal pour ce dernier. En effet, à l’issue de ces évolutions, des contestations naissent et se multiplient dans le pays. En effet, à partir de l’année suivante, les manifestations se révèlent de plus en plus violentes, les policiers n’hésitent pas à tirer à balles réelles sur les manifestants. Les manifestations gagnent alors en intensité, le 12 décembre 1978 deux millions de personnes manifestent à Téhéran.

L’exil du chah et le changement de ton avec l’Occident :

La situation devenant insoutenable, le chah prend la fuite le 16 janvier 1979, il trouve par la suite refuge aux Etats-Unis où il se fait soigner pour son cancer. En parallèle, l’Iran voit son système politique changer radicalement. L’Ayatollah Khomeini, après 15 ans d’exil, est accueilli comme un héros le premier février 1979. Il souligne sa volonté de donner un caractère démocratique à une vie politique, dans un pays où les valeurs de l’Islam ont été oubliées durant le règne du chah. Mais très rapidement, sa politique se durcit sur un plan extérieur comme intérieur. L’ayatollah adopte une position hostile face à l’Occident et plus précisément avec les Etats-Unis. A l’automne 1979, face au refus des Etats-Unis d’extrader le chah en Iran pour qu’il soit condamné à mort, l’Iran entreprend des représailles. Le 4 novembre 1979, l’ambassade des Etats-Unis à Téhéran est encerclée, entrainant la prise en otages de 53 membres. La rançon est claire : les Etats-Unis extradent le chah et en contrepartie les otages sont libérés sains et saufs. Le président de l’époque, toujours Jimmy Carter, refuse de céder à ce chantage et décide d’entreprendre une opération afin de libérer les otages, cette intervention militaire porte le nom « Eagle Claw ».  Cette opération est finalement annulée et se solde par un échec. Finalement, les otages seront libérés le 20 janvier 1981, lors de l’inauguration day, soit l’investiture de Ronald Reagan.

La période actuelle (XXème siècle), entre rapprochements et tensions :

Avec la révolution, l’Iran est alors passé d’un régime pro-occidental à une théocratie isolationniste. En effet, le pays est désormais gouverné sur la base de principes fondamentaux de l’Islam, et les écarts sont sanctionnés par la police des mœurs. En effet, la religion doit être omniprésente dans la vie des Iraniens, et ceux, qui, même par inadvertance désobéissent aux « règles » établies peuvent être pris pour cible. On peut d’ailleurs prendre l’histoire d’une femme,qui, en avril 2018, avait fait le tour des réseaux sociaux. Celle-ci avait été prise à partie par des policiers religieux car des mèches de cheveux dépassaient de son voile, elle avait alors été violemment frappée. Cet excès de zèle de cette police dite morale avait même été dénoncé par le président Hassan Rohani. Ce régime s’affirme donc comme un contre-modèle du régime américain dans lequel les libertés individuelles sont respectées. Ce non-respect de ces libertés, prônés par le camp conservateur est légitimé au nom de la protection contre le modèle américain, considéré comme immoral. Cependant, à partir de 2009, la position d’Hassan Rohani progressiste d’Hassan Rohani, combinée avec la politique conciliante d’Obama, permet un réchauffement des relations avec les Etats-Unis. Les contacts entre les Etats-Unis et l’Iran entrainent un accord sur la question nucléaire. Le 14 juillet 2015, les Accords de Vienne sont signés entre l’Iran, les pays de l’Union Européenne et les pays membres du Conseil Permanent de Sécurité des Nations Unies. En contrepartie d’un arrêt de recherches nucléaires à des fins d’utilisation comme arme de destruction massive de la part de l’Iran, les pays occidentaux s’engagent à lever les sanctions économiques, ce qui, de facto, met fin à l’embargo pétrolier. Hassan Rohani voit alors cet accord comme une potentielle ouverture de son pays pouvant lui apporter à terme des débouchés et par conséquent une prospérité économique. Cependant, à partir de 2017, l’arrivée au pouvoir de Trump et sa politique extérieure agressive jette de l’huile sur le feu dans les relations diplomatiques avec l’Iran. Le 8 mai 2018, le président américain décidant d’appliquer son programme électoral, annonce le retrait des Etats-Unis de l’accord. Cette politique est jugée irresponsable de la part de la communauté internationale. En effet, celle-ci est vecteur de déséquilibre au Moyen-Orient, l’Iran étant considéré comme une puissance majeure dans cette région. Cette annonce marque le début d’une escalade entre les Etats-Unis et l’Iran puisque la fin de cet accord signifie le retour de l’embargo américain et alors celui des difficultés économiques pour l’Iran. A l’issue de ce retrait des Etats-Unis la tension monte alors en crescendo, dont le point culminant est atteint en juin 2019. Le 13 juin 2019, un pétrolier japonais est attaqué dans le détroit d’Ormuz. Cette attaque n’étant pas revendiquée, les Etats-Unis accusent alors l’Iran, ce qui crée des tensions diplomatiques. Les Etats-Unis envoient 1000 soldats à la frontière iranienne à l’issue de cet évènement. Le 20 juin, l’Iran annonce avoir abattu un drone américain, qui aurait pénétré le territoire. Trump aurait alors décidé d’une intervention militaire, mais l’aurait annulée à la dernière minute.

Les relations entre l’Iran et l’Occident ont alors évolué au gré des changements de politiques de part et d’autre. L’Iran est passé d’une position pro-occidentale à une position farouchement anti-occidentale à partir de la révolution islamique. Aujourd’hui, la politique du président réformateur Hassan Rohani est plus conciliante mais est loin d’être pro-occidentale. En effet, les divergences idéologiques sont assez exacerbées : l’Occident, favorable à la démocratie, à la liberté d’expression et aux respects des droits de l’Homme s’oppose à la théocratie iranienne, où critiquer le régime peut vous faire valoir d’être arrêté et emprisonné. Ces tensions entre l’Iran et l’Occident peuvent d’ailleurs être symbolisées par l’incarcération de Roland Marchal et Fariba Abdelkhah, respectivement sociologue et anthropologue, accusés d’espionnage, et de nuire à la sécurité de l’état iranien.

Venezuela : une crise sociale et politique

La crise économique au Venezuela a été vecteur d’instabilité politique. En effet, la politique économique de Nicolas Maduro se révèle désastreuse du fait du manque de diversification des secteurs d’activité. Cette situation entraine alors des contestations grandissantes au sein de la classe moyenne venezuelienne.

File:Caracas 02 febrero 2019 Juan Guaido Presidente Interino Venezuela Por fotógrafo Venezolano AlexCocoPro.jpg
Juan Guaido nouveau président auto-proclamé

La crise économique a constitué un vecteur d’impopularité de Nicolas Maduro. Au début de l’année 2019, seulement 25 pour cent des citoyens avait une opinion favorable à son égard. La situation de la population est très compliquée, leur quotidien est marqué par des longues heures d’attente pour récuperer des denrées alimentaires dans les points de vente, devenues si précieuses au Venezuela. Les services et infrastructures publics, marqués par des coupes budgétaires drastiques sont aujourd’hui, en trèsmauvais état, avec des hôpitaux à court de médicaments ou d’électricité. A la suite des élections présidentielles en mai 2018, le président sortant l’a emporté, avec 68 pour cent des voix. Mais face à son impopularité, connue aux yeux de la communauté internationale, de nombreux pays étrangers ont contesté la légitimité de ces élections et ont alors dénoncé des fraudes. Dans ce contexte tendu, une personnalié presque inconnue il y a quelques années, s’est déclarée président par intérim : Juan Guaido.

Des conditions de vie dramatiques :

Le Venezuela vit aujourd’hui la plus grave crise économique de son histoire. Face au manque de ressources (lié à la chute de la valeur de sa production pétrolière), le pays est incapable de financer les services publics ou de faire venir des denrées alimentaires de l’étranger. Le manque de médicaments, entraine des difficultés pour soigner des maladies graves ou des cancers, les machines telles que les radiothérapies sont obsolètes ou hors-service. Dans les hôpitaux publics, les médecins sont rémunérés l’équivalent de 10 dollars par mois, ce qui entraine un départ massif du pays de cette profession. La pénurie d’électricité engendre des dysfonctionnements des pompes à eau, ce qui entraine des pénuries d’eau potable et des problèmes de contamination qui sont source de problèmes de santé notamment chez les enfants et les personnes fragiles. Ce manque d’eau combiné à une inflation démentielle entraine une disproportion du prix de l’eau: il faut désormais plusieurs centaines de milliers de bolivars soit plusieurs mois de salaire pour se procurer un litre d’eau. Face à cela, beaucoup de venezueliens préfèrent aller chercher de l’eau directement à une source naturelle, faisant parfois plusieurs heures de marche. La pénurie alimentaire est visible par le biais de sondages montrant que 90 pour cent de la population n’a pas les moyens de manger correctement. En effet, les aides de l’Etat, se réduisant à un paquet de riz et de pâte par mois ne sont pas suffisants pour nourrir une famille. La population essaye alors de se procurer de la viande sur la marché noir mais celle-ci est à plus de dix dollars le kilo quand le salaire moyen est de 30 dollars.

Des élections contestées :

Dans ce contexte, il est logique que la grande majorité des venezueliens veuille en finir avec le régime en place. Pourtant, les élections ont donné la victoire au président sortant. Face à cette situation si la Chine, la Russie, Cuba ou le Nicaragua ont félicité Nicolas Maduro, l’Union Européenne, les Etats-Unis ou encore l’opposition vénezuelienne ont contesté la légitimité et la légalité de ces élections. Cette contestation émane de plusieurs décisions jugées par ces pays comme anti-démocratiques. Le grand rival de Nicolas Maduro, Henrique Capriles Radonski avait été déclaré inéligiblble en avril 2017 par la Cour Suprême dans le cadre d’irrégalurités administratives dans l’affaire Odebrecht. Celui-ci avait d’ailleurs récolté 49 pour cent de voix durant la précédente élection de 2013. Par la suite, Nicolas Maduro aurait indirectement acheté des voix. En janvier 2017, celui-ci avait instauré les carnets de la patrie. Ses détenteurs avaient alors des avantages sociaux, comme des tarifs préférentiels pour acheter des biens de première nécessité. Durant les élections, tous les citoyens ayant votés pour le président sortant avait alors eu le droit à des recharges de ces cartes, dans un contexte de situation alimentaire excessivement tendue. De plus, l’opposition déplore également le fort taux d’abstention qui est de 54 pour cent.

L’auto-proclamation de Juan Guaido :

Le 5 janvier 2019, Juan Guaido est élu président de l’Assemblée Nationale, dans un contexte où le pouvoir législatif de l’Assemblée avait été fortement réduit et transféré depuis juillet 2018 à une Assemblée constituante, sous le contrôle de Nicolas Maduro. Lorsque Juan Guaido s’auto-proclame président du Venezuela le 23 janvier, il n’est donc pas en position de force, puisque initialement il est président d’une chambre dont le pouvoir a été réduit d’une manière considérable. Cette Assemblée avait déclaré en parallèle ne pas reconnaître l’élection de Nicolas Maduro. La montée en puissance de Juan Guaido débute réellement après le 10 janvier, date à laquelle Nicolas Maduro est reconduit à ses fonctions pour un second mandat. Il instaure alors une série de « calbido » (l’idée de réunir le peuple dans des situations urgentes) liés à des manifestations pacifiques dans le but de faire céder le pouvoir en place. Le 23 janvier, il prête serment et s’auto-proclame officiellement président du Venezuela, au cours d’une manifestation organisée dans la capitale. L’Union Européenne ou les Etats-Unis reconnaissent la légitimité de Juan Guaido.

Depuis lors, le gouvernement de Maduro fait pression sur Juan Guaido notamment par le biais de manoeuvres d’intimidation ou d’accusation. En mars 2019, dans le contexte de la panne électrique qui touche le pays, la justice venezuelienne accuse Juan Guaido de « complicité de sabotage avec les Etats-Unis ». En octobre 2019, Iris Varela, la ministre du service pénitentiaire avait traité Juan Guaido de délinquant et de criminel.

Conférence de Tristan Garcia – L’offense comique, le rire en procès

En novembre dernier, dans le cadre des lundis de Sainte-Marie, Tristan Garcia, écrivain et maître de conférences à la faculté de philiosophie de l’Université Jean Moulin à Lyon, a tenu une conférence, avec comme sujet la question du rire.

Tristan GARCIA est maître de conférences à la faculté de philosophie de l’Université Jean Moulin Lyon III. Écrivain et philosophe, il a publié plusieurs ouvrages, entre autres : La Meilleure Part des hommes (Gallimard, 2008), Mémoires de la jungle (Gallimard, 2010) ; 7 (Gallimard, 2015).

Cette question du rire est alors abordée en trois parties : Tristan Garcia fait d’abord un état des lieux, puis une analyse de la période actuelle et, pour finir, une présentation des trois formes de rire.

Tristan Garcia commence alors à expliquer le contexte : dans notre société actuelle, marquée par l’avènement du politiquement correct, les comiques doivent alors peser les mots qu’ils emploient dans l’optique de ne pas blesser, de ne pas choquer certaines minorités (religieuses, culturelles, ethniques ou sexuelles), et par conséquent afin ne pas être poursuivis en justice. Des comiques décident alors de mettre en place des stratégies. La première est celle du consensus, l’idée d’un humour politiquement correct à l’état pur. Le conférencier prend alors l’exemple de Gad Elmaleh. La seconde stratégie est l’auto-dérision, notamment pratiquée par Blanche Gardin. La dernière stratégie est le rire communautaire passant par des stéréotypes sur sa propre communauté.

Puis, Tristan Garcia évoque des théories scientifiques sur le rire. Le politiquement correct aurait tendance à atténuer le rire. Ce rire est jugé vital pour l’Homme, celui-ci est vecteur de bien-être. Selon Herbert Spencer, philosphe anglais du XIXème siècle, influencé par la pensée de Darwin, le rire aurait un caractàere physiologique et aurait une origine animale. Si, initialement, chez les primates, le rire est signe de soumission, de rabaissement social, ces derniers seraient capables de comprendre les blagues. Le primatologue Pascal Pique en a alors fait l’expérience. En effet, il décide alors de faire une observation, en se déguisant en animal féroce, en prédateur. Immédiatement, les singes ont peur, grimpent aux arbres, mais, lorsque le masque tombe, les singes comprennent la blague, et rient. Par la suite, ces primates récupèreront le costume de prédateur pour imiter l’homme qui a fait la blague.

Puis pour essayer de répondre à la question :  « Peut-on rire de tout ? », le conférencier se fonde sur trois formes de rire. Le premier est le rire de mépris, illustrant la manifestation de la supériorité de quelqu’un, avec un caractère narquois, l’idée est de se moquer de quelqu’un. Ce rire est alors lié à un sentiment de supériorité, l’individu estime qu’un autre individu à un côté ridicule et rit de celui-ci. Ce rire peut avoir des effets néfastes, celui-ci serait vecteur de conflits, voire de guerre civile selon Thomas Hobbes, puisque ce rire découle d’un manque d’empathie, ce qui nuit à la cohésion sociale. Puis, le rire de civilisation a un caractère implicite. Ce dernier cherche à éviter la censure, à faire des blagues au sein d’une communauté. Ce rire est souvent rattaché au milieu des salons. Ce rire passe par des codes compréhensibles au sein d’un groupe social restreint. Par ailleurs, le rire cosmique n’est ni narquois ou blagueur. Selon Tristan Garcia, ce rire serait rattaché à une attitude existentielle. Ce rire n’a pas de début ou de fin, il s’agit d’une attitude générale. Pour mieux comprendre ce rire, le conférencier a alors donné un exemple, celui du carnaval. Dans cette situation, il existait une inversion des rôles, les personnes modestes s’habillaient comme s’elles étaient issues de la haute société, ce rire a donc, en quelque sorte, un caractère absurde. Pour finir, Tristan Garcia estime que formuler une réponse à la question : « Peut-on rire de tout ? » peut se révéler délicat, la question étant mal posée puisqu’il faut avant toute chose tenir compte des trois formes de rire.

Crise Financière – Crise Climatique – Quelles solutions ?

Pour le premier lundi de Sainte-Marie de l’année scolaire, Dominique Plihon, professeur émérite d’économie financière à l’université Paris XIII, militant altermondialiste, porte-parole du groupe Attac, a animé une conférence en évoquant un enjeu majeur de notre société actuelle : les solutions à la crise financière et climatique.

Tout d’abord, Dominique Plihon a établi un « diagnostic » de la crise climatique, en soulignant ses causes et ses conséquences. Cette crise climatique constatée par le GIEC (groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, créé en 1988) repose sur trois élements : la hausse de la température, l’influence de l’activité humaine et les risques engendrés par cette crise.

Premièrement, l’augmentation de la température à l’échelle du globe est indéniable : à titre d’exemple, la température a augmenté de 0,9 degré entre 1950 et 1980. Au delà d’un certain seuil, en théorie, celui d’un réchauffement supplémentaire de 2 degrés, les conséquences sur l’écosystème seraient irréversibles.

Puis, l’industrialisation de notre économie ayant débuté à la fin de XVIIIème siècle avec la première Révolution Industrielle, a entraîné des émissions importantes de gaz à effet de serre dans le cadre de la production. L’économie des sociétés actuelles dépend de l’utilisation d’énergies fossiles et pollluantes tel que le pétrole. Paul Josef Crutzen qualifie cette période actuelle (ayant commencé à la Révolution Industrielle) d’ère anthropocène : l’homme a désormais par son comportement une influence prépondérante sur le milieu dans lequel il évolue et par conséquent sur l’écosystème.

Cette influence est visible par l’étude de l’évolution de l’empreinte carbone : il s’agit d’un calcul observant la quantité de dioxyde de carbone émise par la société (l’ensemble de la population mondiale) . Cette mesure démontre que la société humaine depuis 1970 consomme plus que la Terre ne produit en terme de ressources : notre économie est donc désormais fortement fondée sur l’épuisement des ressources et l’érosion des sols.

Ainsi, cette activité humaine génère des risques non négligeables, et ce, avant tout sur un plan physique : le dérèglement climatique entraîne de manière inévitable une augmentation des catastrophes naturelles en fréquence et en intensité. La catastrophe naturelle la plus redoutée est liée à la fonte des glaces engendrant une remontée des eaux.

Par la suite, Dominique Plihon a également évoqué les solutions pour régler cette crise. En décembre 2015, le traité de Paris a été adopté par les 195 délégations étatiques. Ce traité repose sur l’engagement de chaque pays à réduire ses émissions de CO2. Cependant, il existe un scepticisme au sujet des effets réellement positifs et suffisants de ce traité : selon le GIEC, les mesures mises en place ne pourraient pas créer un réchauffement maximal de 2 degrés mais plutôt de 3 degrés, il s’agit d’une prévision jugée presque inévitable, s’il n’y a pas de changement radical dans les politiques gouvernementales.

L’autre solution émanerait d’un plan financier : la crise climatique risquerait d’entraîner une crise financière. C’est pourquoi il faut remettre en question le système économique actuel, limiter l’aliment      ation de bulles spéculatives et privilégier l’investissement dans l’économie réelle. La crise climatique créerait de nouveaux vecteurs de dépréciation sur les marchés financiers, s’établissant sur un plan physique pour les impacts néfastes en cas de catastrophe naturelle, juridiques à travers les procès et les scandales dénonçant les victimes du dérèglement climatique. La crise climatique engendre également la nécessité d’une transition énergétique : dans ce cas, il s’agit du risque de dévalorisation d’actifs directement liés à des entreprises productrices d’énergies fossiles, à l’instar de Total dont la capitalisation boursière se situe aux alentours de 120 milliards d’euros.

Ainsi, le système financier doit trouver des investissements à long terme, bénéfiques pour l’investisseur comme pour l’environnement, avec l’idée de « verdir » la finance. D’ailleurs, l’article 4 des accords de Paris stipule la nécessité de rendre les flux financiers cohérents avec les objectifs environnementaux fixés.