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Brexit : une solution économiquement souhaitable ?

Au cours de la nuit du 31 janvier au 1er février 2020, le Royaume-Uni est officiellement sorti de l’Union européenne, après une longue période de plus de 3 ans de négociations et d’incertitudes quant aux modalités de mise en œuvre d’une telle décision prise par le peuple britannique. Quelles peuvent être les conséquences économiques du Brexit (mot-valise anglais formé à partir de « Britain » et « exit », soit en français « sortie de la Grande-Bretagne ») sur le court comme sur le long terme ? Après avoir brièvement décrit le processus ayant abouti au Brexit, nous étudierons les avantages puis les inconvénients de ce dernier, essentiellement du point de vue du Royaume-Uni.

Le processus de sortie

Il convient tout d’abord de rappeler que le Royaume-Uni n’est entré dans le Marché commun que 16 ans après sa création, en 1973. Les Britanniques ne ressentent pas un fort lien d’appartenance avec les autres pays européens (notamment à cause des divergences historiques et culturelles qui séparent insulaires et continentaux), mais une certaine proximité avec les Etats-Unis et une attraction pour le « grand large » héritée de l’époque où l’Angleterre était la première puissance économique et commerciale du monde. Ils auraient donc été moins enclins à se joindre au processus d’unification européenne , d’autant plus qu’il limiterait leur souveraineté nationale. A cela s’ajoute l’état d’esprit devenu à dominante libérale du pays, illustré par les longs mandats de la Première Ministre Margaret Thatcher dans les années 80, alors que les eurosceptiques présentent « Bruxelles » comme une productrice impénitente de normes bureaucratiques et contraignantes (allant jusqu’à l’accuser de vouloir « réglementer la courbure des bananes »).

Ce sont le « UK independance Party » et certains membres du parti conservateur (dont l’ancien maire de Londres Boris Johnson) qui ont défendu l’idée de quitter l’UE. Selon eux, il était grand temps pour le Royaume-Uni de retrouver une certaine liberté d’action, en particulier dans les domaines de l’immigration et des droits de l’entreprise et d’arrêter de payer à l’UE 350 millions de livres par semaine à l’UE (campagne « We send the EU £350 million a week, let’s fund our NHS instead »).

Le 23 juin 2016, sous cette pression et parce qu’il avait promis de le faire pour préserver l’unité de son propre parti, le Premier Ministre David Cameron organise un référendum relatif à la sortie – ou non – du Royaume-Uni de l’Union européenne. Le vote « Leave » l’emporte à la surprise générale avec 52% des voix.

S’ensuivit une phase de négociations de 2016 à 2019 entre le Royaume-Uni et l’Union européenne afin de définir les conditions d’une telle sortie. Initialement prévu le 29 mars 2019, le Brexit fut repoussé au 12 avril, puis au 31 octobre, faute d’approbation par la Chambre des Communes de l’accord trouvé avec l’UE. Il s’est finalement concrétiser le 31 janvier 2020 à minuit, après que des élections générales ont donné au Premier Ministre Boris Johnson la majorité dont il avait besoin pour faire adopter son projet de Brexit. Le Royaume-Uni restera néanmoins en lien étroit avec l’UE jusqu’au 31 décembre, au cours de ce qu’on appelle la « période de transition » durant laquelle les règles de l’UE continueront de s’appliquer sur le territoire britannique. L’incapacité à trouver un compromis au sein de sa propre majorité et à écarter le risque d’un « hard Brexit », une sortie du Royaume-Uni sans conditions négociées, avaient coûté le poste de Premier Ministre à Theresa May, remplacée par le conservateur Boris Johnson le 24 juillet 2019. 

Les conséquences négatives du Brexit

« Il est absolument clair qu’il y aura des conséquences négatives » affirmait le négociateur en chef de l’Union européenne Michel Barnier dans un discours prononcé à l’université Queen’s de Belfast à quatre jours du Brexit, en janvier 2020. Il ajoutait : « Quel que soit l’accord que nous atteindrons sur notre future relation, le Brexit sera toujours une opération visant à limiter les dégâts ». Il visait dans ses propos aussi bien le Royaume-Uni que l’UE.

Le premier effet visible engendré par l’annonce de la finalisation du Brexit en janvier  a concerné les cours des grandes Bourses mondiales, les marchés financiers anticipant les conséquences économiques négatives de ce dernier. Celles de Hong-Kong et de Tokyo ont plongé, tandis que la City à Londres a enregistré une baisse de ses cours de 7% et celles de Paris et Francfort, 10%, et ce, cinq jours avant le départ définitif de la cinquième puissance économique mondiale. 

Des négociations sont ensuite à prévoir sur le plus long terme pour le Royaume-Uni avec ses futurs partenaires commerciaux, qui dureront sans doute une dizaine d’années selon le gouvernement britannique. Le Royaume-Uni doit en effet renouveler son système de partenariats commerciaux suite à sa rupture avec l’UE, pourtant son partenaire économique principal  (avec lequel il réalisait, en 2015, plus de 55% de ses importations et 45% de ses exportations). Preuve que même si le Brexit est acté, le problème n’est pas réglé pour autant.

Les experts du Trésor britannique estiment que chaque foyer britannique perdrait en moyenne 4 300 livres de revenus par an en cas de signature d’un accord de libre-échange reliant UE et Royaume-Uni similaire à celui passé entre l’UE et le Canada (la solution la plus probable pour les experts et celle souhaitée par Boris Johnson), principalement à cause de pertes d’efficacité. Les chercheurs de la London School of Economics, encore plus pessimistes, prévoient une « perte de revenu de 5 200 livres sterling par foyer et par an ». L’OCDE relativise les résultats en avançant que la perte de revenu par tête pourrait être comprise entre seulement 800 et 2 000 livres sterling par an. 

Une publication de l’OCDE a mis en évidence que, depuis son adhésion à la Communauté Economique Européenne (CEE) en 1973, le PIB par tête du Royaume-Uni avait doublé (entre 1973 et 2014) et davantage progressé que dans d’autres pays anglophones, comme le Canada, l’Australie, la Nouvelle-Zélande ou même les Etats-Unis. Sortir de l’UE revient pour le Royaume-Uni à renoncer aux avantages apportés par cette union économique et commerciale, comme les investissements étrangers et une productivité des facteurs de production plus élevée, toujours. Le Brexit aurait à long terme une incidence sur le PIB du Royaume-Uni comprise entre -1,6% et -4,1% d’après l’OCDE, alors que le Trésor britannique et les chercheurs de la London School of Economics s’accordent à dire que la dégradation du PIB pourrait atteindre 9,5%.

A plus court terme, une dégradation de la confiance, notamment, réduirait la consommation des ménages, en plus de peser sur les embauches et les investissements. S’il s’ était établi en 2019 autour de 4,1%, le taux de chômage pourrait progresser après le Brexit : l’incertitude, les difficultés d’approvisionnement, la moindre demande, les difficultés initiales pour rétablir une activité normale limiteraient les embauches et mettraient les entreprises en difficulté, provoquant des licenciements. Le taux de chômage pourrait doubler selon la Banque d’Angleterre.

De nombreuses entreprises qui utilisaient le Royaume-Uni comme porte d’entrée vers l’Europe pourraient décider de retirer leurs investissements à cause du Brexit. C’est notamment le cas de la banque américaine JPMorgan qui a déclaré vouloir déplacer 1 000 à 4 000 emplois hors du pays, la situation devenant pour elle nettement moins intéressante économiquement. Il en va de même pour certaines grandes entreprises chinoises et américaines qui avaient installé leur siège à Londres. Jusqu’à présent et selon une publication du cabinet d’audit et de conseil Ernst and Young, l’accès au marché unique apparaissait parmi les premiers motifs d’investissement au Royaume-Uni. Certaines analyses vont jusqu’à estimer que le Brexit provoquera une baisse des investissements étrangers de plus de 20%.

L’augmentation des taxes douanières risque, en particulier, de faire perdre au Royaume-Uni de son attractivité. L’organisation mondiale du commerce (OMC) a calculé que les exportations britanniques coûteraient 7,2 milliards d’euros supplémentaires de droit de douanes par an. Là encore, ce phénomène pourrait faire fuir les investisseurs. Selon la banque d’Angleterre, la mise en place de droits de douane couplée aux difficultés pour le Royaume-Uni à se procurer certains produits les premiers mois engendreraient des hausses de prix. L’inflation atteindrait ainsi entre 4,25% et 6,5% du PIB en 2020, avant de revenir petit à petit à son niveau actuel. Les projections du gouvernement estiment que les exportations britanniques baisseront de 12% et les importations, de 18%. De nombreuses inconnues demeurent, notamment concernant les exigences sanitaires, la qualité reconnue des produits, le passeport indispensable aux services financiers ou encore quant à la licence indispensable pour certains services afin d’exercer dans l’Union européenne. 

Dans un contexte économique marqué par la division internationale des chaînes de production, qui implique de nombreux franchissements de frontières, l’existence de droits de douane, même faibles, alourdit le coût des échanges. A cela s’ajoute l’apparition de barrières dites « non-tarifaires », comme des coûts administratifs supplémentaires liés aux contrôles aux frontières, qui affecteraient les échanges entre le Royaume-Uni et les Etats membres de l’UE. Au total, les coûts administratifs liés au franchissement des frontières pourront représenter jusqu’à 24% de la valeur des biens échangés.

Parallèlement, les taux d’intérêt des banques augmenteraient dans le pire des scénarios entre 1,8 et 5,5 points, de même que la charge d’intérêts sur la dette nationale britannique qui pourrait augmenter de 12,8 milliards de livres sterling par rapport à la situation actuelle, selon le gouvernement. La Banque d’Angleterre s’attend à une dépréciation de la livre de l’ordre de 25%, ce qui contribuerait à cette augmentation ainsi qu’à la hausse de l’inflation mentionnée plus haut.

Si la limitation de l’immigration était visée par les défenseurs du Brexit, l’OCDE rappelle que « les immigrants, en particulier des pays de l’Union européenne, ont stimulé la croissance du PIB au Royaume-Uni, et ce significativement » : ainsi, cette main d’œuvre jeune et dynamique aurait contribué, selon l’Organisation, à la hausse du PIB à hauteur de 0,7 point par an en moyenne depuis 2007, expliquant près de la moitié de la croissance britannique.

Enfin, certains secteurs-clés de l’économie risquent d’être touchés par l’après-Brexit. En effet, une chute des prix de l’immobilier est à prévoir sur tout le territoire, le phénomène s’observant déjà à Londres. Par ailleurs, le Brexit compromet la capacité du Royaume-Uni à faire venir les meilleurs étudiants du monde entier et à les intégrer dans le secteur de la recherche, d’après une lettre signée par pas moins de 150 établissements de l’enseignement supérieur britannique, en plus de faire perdre à ces derniers l’accès à des fonds européens. 

En ce qui concerne les transports, les compagnies aériennes britanniques et européennes ainsi que l’Eurostar devront réclamer une autorisation pour opérer des trajets entre l’île et le continent. Les nouvelles procédures de contrôle aux douanes causeront des retards à la frontière dans les aéroports, les gares et les ports et créeront des embouteillages sur les routes. 

Le Brexit entraînerait des charges supplémentaires dans de nombreux autres domaines de la vie quotidienne, comme une hausse des frais d’itinérance en cas de voyage des Britanniques dans l’Union européenne, l’instauration de commissions par les banques en cas d’utilisation d’une carte bancaire britannique en Europe (ou réciproquement), voire même des pénuries de produits comme les médicaments.

Des conséquences positives du Brexit ?

Les conséquences économiques du Brexit doivent tout d’abord être relativisées selon certains économistes. Ainsi, le gouverneur honoraire de la Banque de France Christian Noyer rappelle dans une interview en 2017 que la place financière de Londres est de loin la plus importante en Europe et qu’elle ne perdra pas cette position, bien que le Brexit affaiblira sans nul doute un peu le leadership de la City. 

Par ailleurs, certains effets négatifs, pour les uns, essentiellement les Britanniques, pourraient avoir contreparties positives pour les autres. Certaines métropoles de rayonnement mondiale comme Paris, Francfort, Amsterdam, Dublin et Luxembourg pourraient bien tirer leur épingle du jeu en accueillant les usines, certains services de banques et de compagnies d’assurance britanniques , ce qui apporterait  des emplois et des revenus au pays d’accueil.

Trois grandes motivations ont poussé les Britanniques à majoritairement voter en faveur du Brexit. La première était de regagner en souveraineté nationale afin de répondre le mieux possible aux attentes de la population. La deuxième concernait le contrôle de l’immigration, un phénomène qui s’invite régulièrement dans les débats publics et qui divise l’opinion depuis la crise migratoire des années 2010. Si l’impact économique de ces changements peut être négatif, ils correspondent en tout cas à la volonté exprimée par les insulaires et vont pouvoir se réaliser. 

Enfin, la troisième attente portait sur les frais jugés trop élevés qu’entraînait l’appartenance du Royaume-Uni à l’UE (sa contribution au budget de l’UE, en particulier) désormais supprimés. D’après les partisans du Brexit, ceci permettrait de limiter le déficit public du pays et, pourquoi pas, d’investir dans un plan de relance pour maintenir la croissance. Entre 2010 et 2014, la contribution du Royaume-Uni au budget de l’Union européenne s’est en effet élevée en moyenne à 15,2 milliards d’euros par an. Cependant, il faudrait tenir compte des retours directs et indirects dont bénéficiait le Royaume Uni de la part de l’UE, au titre des politiques qu’elle finance. En tout état de cause, ce gain resterait limité. 

Parmi les bénéfices du Brexit, l’OCDE mentionne la possibilité pour le Royaume-Uni de procéder à une « déréglementation » plus poussée qui « pourrait avoir quelques effets positifs » sur l’activité. Toutefois, le Royaume-Uni figure déjà parmi les pays où l’encadrement des marchés est le plus souple, comme en témoignent le développement de la « gig economy » et des emplois précaires outre-manche, du fait de l’une des législations du travail les moins contraignantes d’Europe.

Le Premier Ministre Boris Johnson y voit, quant à lui, une « occasion en or » pour le Royaume-Uni de négocier ses propres accords commerciaux et de nouer des liens économiques avec des pays à fort potentiel de croissance, sans avoir à chercher un compromis avec les autres Etats membres de l’UE, dont les intérêts ne sont pas forcément les mêmes. 

Si l’OCDE publie des résultats assez pessimistes quant à l’avenir économique du Royaume-Uni, le scénario proposé par Open Europe est, lui, bien plus optimiste. L’organisation estime en effet qu’à certaines conditions, le Brexit pourrait permettre une hausse du PIB de 1,55%. Pour ce faire, le Royaume-Uni devrait s’efforcer d’obtenir à un large accord commercial avec l’UE et mener à bien son projet ambitieux de déréglementation.

A l’heure où le Brexit est devenu une réalité au moins juridique, nombreuses sont les questions qui restent en suspens. Si les avantages du Brexit existent, ils demeurent cependant nettement moins nombreux et importants que les difficultés économiques qui attendent nos voisins d’Outre-manche. Le Royaume-Uni étant le premier Etat à sortir de l’Union européenne, il sera intéressant d’observer si ses dirigeants arriveront à maintenir la vitesse et le cap sur la longue durée ou si, au contraire, le navire britannique ralentira et devra changer de direction. 

Martin Vasseur

Relations entre l’Iran et l’Occident : une histoire faite de rebondissements depuis la Guerre Froide

En février 1979, la révolution iranienne, marquée par la destitution du chah d’Iran, monarque pro-américain, entraîne immédiatement le gel des relations entre le bloc ouest et l’Iran. L’Ayatollah Khomeiny décide alors de mettre en place une politique autarcique, basée sur la rupture des relations économiques et diplomatiques avec les pays occidentaux. Cette révolution marque alors le point de départ, d’une sorte de « guerre froide » irano-occidentale, s’établissant sur un plan idéologique, politique et économique.

La période antérieure à la Révolution :

Durant les années 1950, l’Iran adopte une position pro-occidentale, par le biais de la politique menée par le Chah Mohammad Reza. Dans une optique de mise en place de partenariats économiques avec le bloc de l’ouest, l’Iran rejoint le pacte de Bagdad signé le 24 février 1955, visant à ralentir l’influence soviétique au Moyen-Orient. En parallèle, des tensions entre l’Iran et l’URSS apparaissent, en 1956, la rencontre entre le chah et Nikita Khrouchtchev est peu chaleureuse. A la fin des années 1950, l’Iran se rapproche alors des Etats-Unis et lance alors un plan de modernisation, d’occidentalisation du pays, correspondant à des plans de développement et aboutissant à la Révolution blanche à partir de 1963. Ces réformes s’établissent sur plan économique et social, mais passe également par un progressisme sociétal. A titre d’exemples, les soins médicaux deviennent gratuits, les profits des industries sont redistribués aux ouvriers d’une manière plus équitable les zones rurales sont intégrées dans un programme d’urbanisation. En parallèle, les femmes voient leurs droits évoluer, en 1975, l’égalité parentale entre mari et femme est promulguée, ainsi que l’instauration d’une égalité entre mari et femme dans le cadre du divorce. Puis, durant la même période, une loi permet l’ouverture et l’essor des films occidentaux en Iran.

La mise en place de la Révolution :

Face à l’élaboration de ces lois, le chah devient impopulaire auprès de la frange conservatrice, attachée aux valeurs traditionnelles de l’Islam. La figure de proue de cette contestation, l’Ayatollah Khomeini, va alors émerger. Religieux respecté, il est exilé d’Iran de 1964 à 1979, et est considéré comme le meneur de la Révolution iranienne. Par ailleurs, cette révolution iranienne n’est pas née instinctivement, celle-ci est liée à différents évènements sur le plan économique, politique, sociétal mais également symbolique. Tout d’abord, les années 1960 sont une période de croissance économique forte pour l’Iran notamment grâce à une hausse de la demande de pétrole. Cependant, cette croissance s’accompagne d’une inflation forte, et cette production de valeur ajoutée n’est pas profitable à tous, et ce, malgré les réformes visant à favorisant les milieux ouvriers et ruraux. Dans ce contexte, où les écarts de conditions de vie entre la population occidentalisée et rurale à tendance conservatrice se creusent, des évènements symboliques ont également constitué des vecteurs remettant en cause la légitimité du chah. A titre d’exemple, pour célébrer le 2500ème anniversaire de l’empire perse, en octobre 1971, des festivités avaient été organisées et dont le coût exorbitant avait été estimé entre 100 et 300 millions de dollars. L’Ayatollah Khomeini estimant que ce festival est un lieu de débauche qualifiera celui-ci de « festival du diable ». Puis, sur le plan politique, l’Iran est contraint de libéraliser son système, sous les pressions du président américain démocrate Jimmy Carter. En échange d’une continuité de livraison d’armes à l’Iran, Jimmy Carter obtient alors la promesse de l’Iran d’assouplir son système politique et à essayer de respecter les droits de l’Homme. En 1977, la liberté d’association est autorisée et des prisonniers politiques sont libérés. Cette indulgence du chah sur le plan politique se révèlera fatal pour ce dernier. En effet, à l’issue de ces évolutions, des contestations naissent et se multiplient dans le pays. En effet, à partir de l’année suivante, les manifestations se révèlent de plus en plus violentes, les policiers n’hésitent pas à tirer à balles réelles sur les manifestants. Les manifestations gagnent alors en intensité, le 12 décembre 1978 deux millions de personnes manifestent à Téhéran.

L’exil du chah et le changement de ton avec l’Occident :

La situation devenant insoutenable, le chah prend la fuite le 16 janvier 1979, il trouve par la suite refuge aux Etats-Unis où il se fait soigner pour son cancer. En parallèle, l’Iran voit son système politique changer radicalement. L’Ayatollah Khomeini, après 15 ans d’exil, est accueilli comme un héros le premier février 1979. Il souligne sa volonté de donner un caractère démocratique à une vie politique, dans un pays où les valeurs de l’Islam ont été oubliées durant le règne du chah. Mais très rapidement, sa politique se durcit sur un plan extérieur comme intérieur. L’ayatollah adopte une position hostile face à l’Occident et plus précisément avec les Etats-Unis. A l’automne 1979, face au refus des Etats-Unis d’extrader le chah en Iran pour qu’il soit condamné à mort, l’Iran entreprend des représailles. Le 4 novembre 1979, l’ambassade des Etats-Unis à Téhéran est encerclée, entrainant la prise en otages de 53 membres. La rançon est claire : les Etats-Unis extradent le chah et en contrepartie les otages sont libérés sains et saufs. Le président de l’époque, toujours Jimmy Carter, refuse de céder à ce chantage et décide d’entreprendre une opération afin de libérer les otages, cette intervention militaire porte le nom « Eagle Claw ».  Cette opération est finalement annulée et se solde par un échec. Finalement, les otages seront libérés le 20 janvier 1981, lors de l’inauguration day, soit l’investiture de Ronald Reagan.

La période actuelle (XXème siècle), entre rapprochements et tensions :

Avec la révolution, l’Iran est alors passé d’un régime pro-occidental à une théocratie isolationniste. En effet, le pays est désormais gouverné sur la base de principes fondamentaux de l’Islam, et les écarts sont sanctionnés par la police des mœurs. En effet, la religion doit être omniprésente dans la vie des Iraniens, et ceux, qui, même par inadvertance désobéissent aux « règles » établies peuvent être pris pour cible. On peut d’ailleurs prendre l’histoire d’une femme,qui, en avril 2018, avait fait le tour des réseaux sociaux. Celle-ci avait été prise à partie par des policiers religieux car des mèches de cheveux dépassaient de son voile, elle avait alors été violemment frappée. Cet excès de zèle de cette police dite morale avait même été dénoncé par le président Hassan Rohani. Ce régime s’affirme donc comme un contre-modèle du régime américain dans lequel les libertés individuelles sont respectées. Ce non-respect de ces libertés, prônés par le camp conservateur est légitimé au nom de la protection contre le modèle américain, considéré comme immoral. Cependant, à partir de 2009, la position d’Hassan Rohani progressiste d’Hassan Rohani, combinée avec la politique conciliante d’Obama, permet un réchauffement des relations avec les Etats-Unis. Les contacts entre les Etats-Unis et l’Iran entrainent un accord sur la question nucléaire. Le 14 juillet 2015, les Accords de Vienne sont signés entre l’Iran, les pays de l’Union Européenne et les pays membres du Conseil Permanent de Sécurité des Nations Unies. En contrepartie d’un arrêt de recherches nucléaires à des fins d’utilisation comme arme de destruction massive de la part de l’Iran, les pays occidentaux s’engagent à lever les sanctions économiques, ce qui, de facto, met fin à l’embargo pétrolier. Hassan Rohani voit alors cet accord comme une potentielle ouverture de son pays pouvant lui apporter à terme des débouchés et par conséquent une prospérité économique. Cependant, à partir de 2017, l’arrivée au pouvoir de Trump et sa politique extérieure agressive jette de l’huile sur le feu dans les relations diplomatiques avec l’Iran. Le 8 mai 2018, le président américain décidant d’appliquer son programme électoral, annonce le retrait des Etats-Unis de l’accord. Cette politique est jugée irresponsable de la part de la communauté internationale. En effet, celle-ci est vecteur de déséquilibre au Moyen-Orient, l’Iran étant considéré comme une puissance majeure dans cette région. Cette annonce marque le début d’une escalade entre les Etats-Unis et l’Iran puisque la fin de cet accord signifie le retour de l’embargo américain et alors celui des difficultés économiques pour l’Iran. A l’issue de ce retrait des Etats-Unis la tension monte alors en crescendo, dont le point culminant est atteint en juin 2019. Le 13 juin 2019, un pétrolier japonais est attaqué dans le détroit d’Ormuz. Cette attaque n’étant pas revendiquée, les Etats-Unis accusent alors l’Iran, ce qui crée des tensions diplomatiques. Les Etats-Unis envoient 1000 soldats à la frontière iranienne à l’issue de cet évènement. Le 20 juin, l’Iran annonce avoir abattu un drone américain, qui aurait pénétré le territoire. Trump aurait alors décidé d’une intervention militaire, mais l’aurait annulée à la dernière minute.

Les relations entre l’Iran et l’Occident ont alors évolué au gré des changements de politiques de part et d’autre. L’Iran est passé d’une position pro-occidentale à une position farouchement anti-occidentale à partir de la révolution islamique. Aujourd’hui, la politique du président réformateur Hassan Rohani est plus conciliante mais est loin d’être pro-occidentale. En effet, les divergences idéologiques sont assez exacerbées : l’Occident, favorable à la démocratie, à la liberté d’expression et aux respects des droits de l’Homme s’oppose à la théocratie iranienne, où critiquer le régime peut vous faire valoir d’être arrêté et emprisonné. Ces tensions entre l’Iran et l’Occident peuvent d’ailleurs être symbolisées par l’incarcération de Roland Marchal et Fariba Abdelkhah, respectivement sociologue et anthropologue, accusés d’espionnage, et de nuire à la sécurité de l’état iranien.

Venezuela : une crise sociale et politique

La crise économique au Venezuela a été vecteur d’instabilité politique. En effet, la politique économique de Nicolas Maduro se révèle désastreuse du fait du manque de diversification des secteurs d’activité. Cette situation entraine alors des contestations grandissantes au sein de la classe moyenne venezuelienne.

File:Caracas 02 febrero 2019 Juan Guaido Presidente Interino Venezuela Por fotógrafo Venezolano AlexCocoPro.jpg
Juan Guaido nouveau président auto-proclamé

La crise économique a constitué un vecteur d’impopularité de Nicolas Maduro. Au début de l’année 2019, seulement 25 pour cent des citoyens avait une opinion favorable à son égard. La situation de la population est très compliquée, leur quotidien est marqué par des longues heures d’attente pour récuperer des denrées alimentaires dans les points de vente, devenues si précieuses au Venezuela. Les services et infrastructures publics, marqués par des coupes budgétaires drastiques sont aujourd’hui, en trèsmauvais état, avec des hôpitaux à court de médicaments ou d’électricité. A la suite des élections présidentielles en mai 2018, le président sortant l’a emporté, avec 68 pour cent des voix. Mais face à son impopularité, connue aux yeux de la communauté internationale, de nombreux pays étrangers ont contesté la légitimité de ces élections et ont alors dénoncé des fraudes. Dans ce contexte tendu, une personnalié presque inconnue il y a quelques années, s’est déclarée président par intérim : Juan Guaido.

Des conditions de vie dramatiques :

Le Venezuela vit aujourd’hui la plus grave crise économique de son histoire. Face au manque de ressources (lié à la chute de la valeur de sa production pétrolière), le pays est incapable de financer les services publics ou de faire venir des denrées alimentaires de l’étranger. Le manque de médicaments, entraine des difficultés pour soigner des maladies graves ou des cancers, les machines telles que les radiothérapies sont obsolètes ou hors-service. Dans les hôpitaux publics, les médecins sont rémunérés l’équivalent de 10 dollars par mois, ce qui entraine un départ massif du pays de cette profession. La pénurie d’électricité engendre des dysfonctionnements des pompes à eau, ce qui entraine des pénuries d’eau potable et des problèmes de contamination qui sont source de problèmes de santé notamment chez les enfants et les personnes fragiles. Ce manque d’eau combiné à une inflation démentielle entraine une disproportion du prix de l’eau: il faut désormais plusieurs centaines de milliers de bolivars soit plusieurs mois de salaire pour se procurer un litre d’eau. Face à cela, beaucoup de venezueliens préfèrent aller chercher de l’eau directement à une source naturelle, faisant parfois plusieurs heures de marche. La pénurie alimentaire est visible par le biais de sondages montrant que 90 pour cent de la population n’a pas les moyens de manger correctement. En effet, les aides de l’Etat, se réduisant à un paquet de riz et de pâte par mois ne sont pas suffisants pour nourrir une famille. La population essaye alors de se procurer de la viande sur la marché noir mais celle-ci est à plus de dix dollars le kilo quand le salaire moyen est de 30 dollars.

Des élections contestées :

Dans ce contexte, il est logique que la grande majorité des venezueliens veuille en finir avec le régime en place. Pourtant, les élections ont donné la victoire au président sortant. Face à cette situation si la Chine, la Russie, Cuba ou le Nicaragua ont félicité Nicolas Maduro, l’Union Européenne, les Etats-Unis ou encore l’opposition vénezuelienne ont contesté la légitimité et la légalité de ces élections. Cette contestation émane de plusieurs décisions jugées par ces pays comme anti-démocratiques. Le grand rival de Nicolas Maduro, Henrique Capriles Radonski avait été déclaré inéligiblble en avril 2017 par la Cour Suprême dans le cadre d’irrégalurités administratives dans l’affaire Odebrecht. Celui-ci avait d’ailleurs récolté 49 pour cent de voix durant la précédente élection de 2013. Par la suite, Nicolas Maduro aurait indirectement acheté des voix. En janvier 2017, celui-ci avait instauré les carnets de la patrie. Ses détenteurs avaient alors des avantages sociaux, comme des tarifs préférentiels pour acheter des biens de première nécessité. Durant les élections, tous les citoyens ayant votés pour le président sortant avait alors eu le droit à des recharges de ces cartes, dans un contexte de situation alimentaire excessivement tendue. De plus, l’opposition déplore également le fort taux d’abstention qui est de 54 pour cent.

L’auto-proclamation de Juan Guaido :

Le 5 janvier 2019, Juan Guaido est élu président de l’Assemblée Nationale, dans un contexte où le pouvoir législatif de l’Assemblée avait été fortement réduit et transféré depuis juillet 2018 à une Assemblée constituante, sous le contrôle de Nicolas Maduro. Lorsque Juan Guaido s’auto-proclame président du Venezuela le 23 janvier, il n’est donc pas en position de force, puisque initialement il est président d’une chambre dont le pouvoir a été réduit d’une manière considérable. Cette Assemblée avait déclaré en parallèle ne pas reconnaître l’élection de Nicolas Maduro. La montée en puissance de Juan Guaido débute réellement après le 10 janvier, date à laquelle Nicolas Maduro est reconduit à ses fonctions pour un second mandat. Il instaure alors une série de « calbido » (l’idée de réunir le peuple dans des situations urgentes) liés à des manifestations pacifiques dans le but de faire céder le pouvoir en place. Le 23 janvier, il prête serment et s’auto-proclame officiellement président du Venezuela, au cours d’une manifestation organisée dans la capitale. L’Union Européenne ou les Etats-Unis reconnaissent la légitimité de Juan Guaido.

Depuis lors, le gouvernement de Maduro fait pression sur Juan Guaido notamment par le biais de manoeuvres d’intimidation ou d’accusation. En mars 2019, dans le contexte de la panne électrique qui touche le pays, la justice venezuelienne accuse Juan Guaido de « complicité de sabotage avec les Etats-Unis ». En octobre 2019, Iris Varela, la ministre du service pénitentiaire avait traité Juan Guaido de délinquant et de criminel.

Vénézuela : une crise économique inédite

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Vénézueliens dans une rue de Cucuta, à la frontière colombienne

Ayant connu un développement socio-économique important durant les années Chavez, avec une hausse de 170 pour cent du PIB par habitant entre 2003 (83.62 milliards de dollars) et 2008 (316 milliards),  le Venezuela est aujourd’hui soumis à la crise économique la plus forte de son histoire. Cette crise est directement liée à la dévaluation de sa ressource fondamentale : le pétrole.

Contexte économique : L’économie vénézuélienne est fondée sur sa production pétrolifère : en effet, le pays détient les plus importantes réserves au monde avec 300 milliards de barils. La majeure partie de son budget repose sur cette production. Le secteur est un monopole d’Etat et la compagnie a pour nom PDVSA (Petroleos de Venezuela SA) . Ainsi, l’économie est fortement soumise aux fluctuations du baril, et la hausse du cours du pétrole en 2006 et 2007 a été profitable pour l’économie. Dans ce contexte, Hugo Chavez s’est senti en position de force et a alors accéléré sa politique socialiste marquée par un dirigisme économique accru : en janvier 2007, celui-ci décide da renationaliser le secteur des télécommunications et de l’électricité. Par la suite, Hugo Chavez instaure une politique d’expropriation: par exemple Exito, dans le secteur de la grande distribution et appartenant au groupe Casino, considérée comme frauduleuse. Selon le gouvernement vénézuélien, celle-ci aurait augmenté considérablement ses prix afin d’augmenter ses marges.

Il décide également de mettre fin à la souveraineté de la Banque Centrale. En effet, l’ancien président jugeait que la Banque Centrale était dépendante du FMI. De manière générale, celui-ci était opposé à la gouvernance économique mondiale qu’il estimait être dirigé par les Etats-Unis. C’est pourquoi il prend la décision de quitter le FMI et la Banque Mondiale le 30 avril 2007.

A l’inverse de 2006,la baisse des tarifs pétroliers en 2014 a eu des conséquences particulièrement néfastes.

Origines : la chute du Baril entre 2014 et 2016

Le baril de Brent a connu un effondrement considérable: celui-ci est passé de 111,8 dollars en juin 2019 à 30,69 dollars en janvier 2016 selon l’INSEE, soit une diminution de plus de 250 pour cent. Cette diminution s’explique dans une contexte où la Chine a vu sa croissance diminuer durant cette période, et par conséquent sa demande en pétrole a diminué également. En parallèle, les Etats-Unis ont augmenté leur offre, notamment en terme de pétrole dit « non-conventionnel » à l’instar du pétrole de schiste. L’objectif des Etats-Unis était alors de réduire sa dépendance vis-à-vis du pétrole étranger, notamment vénézuelien. Par la suite, afin de contrer la concurrence américaine les pays du Golfe ont également pris la décision de ne pas réduire leur quantité de production. L’Iran a également profité d’une levée de sanctions de l’Occident (accords de Vienne de juillet 2015) afin de pouvoir exporter son pétrole.

Les conséquences de cette baisse et de la politique chaviste :

La diminution du baril a alors provoqué une diminution considérable du PIB vénezuelien, plongeant le pays dans une sévère récession. La baisse de la production vénezuelienne a entrainé de manière mécanique une baisse de l’offre des entreprises. Cette baisse de la production se traduit alors par une vague de licenciments : entre 2014 et 2016, le taux de chômage a plus que doublé passant de 6,7 pour cent à 20,86 pour cent selon le FMI. De plus, le Vénezuela est particulièrement dépendant des produits extérieurs les biens alimentaires proviennent très souvent de l’étranger.

Les méthodes de Hugo Chavez (nationalisations, expropriations) ont tendance à inquiéter les investisseurs étrangers, qui ont alors quitté en masse le pays. La perte de confiance des acteurs internationaux (entreprises, états) vis-à-vis du Vénzuela a alors entrainé une fuite des capitaux et une dépréciation du Bolivar, monnaie du pays. Cette inflation est également liée à la perte de confiance des utilisateurs de la monnaie: un marché noir parallèle s’est développé avec des biens échangés en dollars, face à la pénurie des produits et avec une monnaie qui ne permet de ne rien acheter (le salaire moyen d’un vénézuelien lui permet d’acheter simplement deux kilos de viande par mois). De plus, les sanctions américaines à l’été 2017 décidées par Trump empêchent le Venezuela d’accéder aux marchés financiers pour financer son déficit. Ainsi, le Vénézuela finance son déficit en faisant « tourner massivement la planche à billets », la monnaie est créée à partir de rien, ce qui génère de l’inflation (voir article sur l’inflation de la République de Weimar). A la suite des sanctions américaines, l’agence Standard and Poors déclare en novembre 2017 le Vénezuela en défaut de paiement partiel. De plus, la politique de la dette est gérée d’une manière peu optimale: le Vénézuela s’efforce à payer sa dette (notamment envers la Chine et la Russie) au lieu de tenter de la renégocier, entre 2014 et 2017 le pays a remboursé  72 milliards de dollars de dette, qui aurait pu être investi dans la relance de l’économie ou dans l’investissement dans des secteurs autres que le pétrole.

En 2018, l’inflation était de 130000 pour cent, le FMI l’estime à plusieurs millions de pour cent en 2019.

Conférence de Tristan Garcia – L’offense comique, le rire en procès

En novembre dernier, dans le cadre des lundis de Sainte-Marie, Tristan Garcia, écrivain et maître de conférences à la faculté de philiosophie de l’Université Jean Moulin à Lyon, a tenu une conférence, avec comme sujet la question du rire.

Tristan GARCIA est maître de conférences à la faculté de philosophie de l’Université Jean Moulin Lyon III. Écrivain et philosophe, il a publié plusieurs ouvrages, entre autres : La Meilleure Part des hommes (Gallimard, 2008), Mémoires de la jungle (Gallimard, 2010) ; 7 (Gallimard, 2015).

Cette question du rire est alors abordée en trois parties : Tristan Garcia fait d’abord un état des lieux, puis une analyse de la période actuelle et, pour finir, une présentation des trois formes de rire.

Tristan Garcia commence alors à expliquer le contexte : dans notre société actuelle, marquée par l’avènement du politiquement correct, les comiques doivent alors peser les mots qu’ils emploient dans l’optique de ne pas blesser, de ne pas choquer certaines minorités (religieuses, culturelles, ethniques ou sexuelles), et par conséquent afin ne pas être poursuivis en justice. Des comiques décident alors de mettre en place des stratégies. La première est celle du consensus, l’idée d’un humour politiquement correct à l’état pur. Le conférencier prend alors l’exemple de Gad Elmaleh. La seconde stratégie est l’auto-dérision, notamment pratiquée par Blanche Gardin. La dernière stratégie est le rire communautaire passant par des stéréotypes sur sa propre communauté.

Puis, Tristan Garcia évoque des théories scientifiques sur le rire. Le politiquement correct aurait tendance à atténuer le rire. Ce rire est jugé vital pour l’Homme, celui-ci est vecteur de bien-être. Selon Herbert Spencer, philosphe anglais du XIXème siècle, influencé par la pensée de Darwin, le rire aurait un caractàere physiologique et aurait une origine animale. Si, initialement, chez les primates, le rire est signe de soumission, de rabaissement social, ces derniers seraient capables de comprendre les blagues. Le primatologue Pascal Pique en a alors fait l’expérience. En effet, il décide alors de faire une observation, en se déguisant en animal féroce, en prédateur. Immédiatement, les singes ont peur, grimpent aux arbres, mais, lorsque le masque tombe, les singes comprennent la blague, et rient. Par la suite, ces primates récupèreront le costume de prédateur pour imiter l’homme qui a fait la blague.

Puis pour essayer de répondre à la question :  « Peut-on rire de tout ? », le conférencier se fonde sur trois formes de rire. Le premier est le rire de mépris, illustrant la manifestation de la supériorité de quelqu’un, avec un caractère narquois, l’idée est de se moquer de quelqu’un. Ce rire est alors lié à un sentiment de supériorité, l’individu estime qu’un autre individu à un côté ridicule et rit de celui-ci. Ce rire peut avoir des effets néfastes, celui-ci serait vecteur de conflits, voire de guerre civile selon Thomas Hobbes, puisque ce rire découle d’un manque d’empathie, ce qui nuit à la cohésion sociale. Puis, le rire de civilisation a un caractère implicite. Ce dernier cherche à éviter la censure, à faire des blagues au sein d’une communauté. Ce rire est souvent rattaché au milieu des salons. Ce rire passe par des codes compréhensibles au sein d’un groupe social restreint. Par ailleurs, le rire cosmique n’est ni narquois ou blagueur. Selon Tristan Garcia, ce rire serait rattaché à une attitude existentielle. Ce rire n’a pas de début ou de fin, il s’agit d’une attitude générale. Pour mieux comprendre ce rire, le conférencier a alors donné un exemple, celui du carnaval. Dans cette situation, il existait une inversion des rôles, les personnes modestes s’habillaient comme s’elles étaient issues de la haute société, ce rire a donc, en quelque sorte, un caractère absurde. Pour finir, Tristan Garcia estime que formuler une réponse à la question : « Peut-on rire de tout ? » peut se révéler délicat, la question étant mal posée puisqu’il faut avant toute chose tenir compte des trois formes de rire.

Protectionnisme américain : ses conséquences sur l’économie globale et sur les ménages américains

Au début du mois d’octobre dernier, l’OMC a donné le feu vert aux Etats-Unis pour mettre en place des droits de douane sur des produits européens dans un contexte où des pays de l’Union Européenne (comme la France et l’Allemagne) ont subventionné de manière illégale Airbus. Après l’Asie, la guerre commerciale touche désormais l’Europe. Retour sur ces deux dernières années et sur les conséquences que cette politique protectionniste pourrait engendrer.

Donald Trump lors de la 136ème cérémonie d’anniversaire du Coast Guard Academy

Genèse : le cas chinois

La guerre commerciale contre la Chine sous l’ère Trump commence officiellement le 22 janvier 2018, date à laquelle Donald Trump décide de taxer les machines à laver et les panneaux solaires chinois. En effet, la Chine est le plus gros producteur dans ces deux domaines. Dans un second temps, la guerre commerciale s’embrase en mars 2018, avec la taxation de matières premières chinoises : à hauteur de 10 pour cent pour l’acier et 25 pour cent pour l’aluminium. Cette mesure est prise dans un contexte où la Chine domine le marché mondial  dans la production de ces deux métaux : en 2017, selon la world steel association, celle-ci produisait 830 millions de tonnes contre environ 80 millions pour les Etats-Unis et selon USGS, les Etats-Unis produisaient 1,6 millions de tonnes contre 32 pour la Chine.

Des conséquences positives pour les Etats-Unis…

La politique menée par Donald Trump vise à privilégier les entreprises nationales. En effet, les taxes douanières entrainent une remontée des prix des produits chinois vendus en Chine. Les entreprises chinoises, éprouvant des difficultés à s’aligner sur les prix américains qui ne subissent pas les taxes, pourraient progressivement se retirer du marché. Cela permettrait aux entreprises nationales d’être plus compétitives, par des prix plus attractifs. Ainsi, les ménages américains seraient incités à consommer plus de produits nationaux. Pour répondre à cette hausse de demande, les entreprises produiraient plus de biens ce qui génèrerait une croissance économique plus forte.

et d’autres qui le sont moins :

Le protectionnisme vise à privilégier les entreprises nationales. Par conséquent, les entreprises étrangères sont pénalisées, ce qui peut amener à une progressive disparition de celles-ci sur le marché. Cette disparition, du fait de l’incapacité des entreprises étrangère à maintenir leur compétitivité entraîne alors une situation de marché allant à l’encontre du principe d’atomicité du marché (théorie libérale soulignant la nécessité de contenir beaucoup d’offreurs et de demandeurs sur le marché). En effet, un protectionnisme exacerbé entraîne des dérives oligopolistiques, contestant alors le principe de concurrence pure et parfaite (théorisé par Franck Knight dans son ouvrage Risk, Uncertainty and Profit en 1921), où la concurrence étrangère se retire du marché. Et cette dérive peut aller à l’encontre du consommateur puisque les entreprises nationales, étant moins soumises à la concurrence grâce au protectionnisme, peuvent en quelque sorte devenir plus facilement devenir Price Maker et gagner en pouvoir de marché.

Des conséquences pour l’économie mondiale :

A l’échelle mondiale, les taxes douanières ont des répercussions pour les pays exportateurs. En effet, l’économie allemande est très dépendante du secteur industriel, et de manière précise celui de l’automobile. Ce secteur de l’automobile couvre 40 pour cent des exportations du pays et un salarié sur sept travaille dans ce domaine. Ainsi, les taxes douanières à hauteur de 25 pour cent infligés par les Etats-Unis, entraînerait de manière logique, une hausse des prix de vente. Et selon le principe d’élasticité prix (sensibilité de la demande d’un bien à son prix ou à sa variation, se calculant par taux de variation de la demande/ taux de variation du prix), dans le cadre de biens substituables, lorsque le prix d’un bien augmente sa demande diminue, il s’agit d’une logique d’élasticité prix négative pour les biens « normaux ». D’après cette théorie, les ventes des voitures allemandes devraient chuter, ce qui créerait une tension dans le secteur de l’automobile en Allemagne, pouvant amener à une baisse des résultats des entreprises et des licenciements. La croissance allemande serait alors pénalisée du fait de ce protectionnisme. Cet exemple allemand fonctionnne également avec d’autres produits européens à l’instar du vin français qui concerne 500 000 emplois directs ou indirects.

Des mesures de rétorsion potentielles :

Ces pays, subissant le protectionnisme américain, peuvent alors mettre également à leur tour des mesures de rétorsion créant alors une escalade dans la guerre commerciale. Les mesures de rétorsion sont d’abord une augmentation des taxes douanières pour les pays américains. Les Etats-Unis sont le deuxième pays exportateur derrière la Chine, par conséquent, son économie dépend assez fortement de la demande étrangère. La guerre commerciale peut également avoir comme conséquences une guerre monétaire. Tout d’abord, le protectionnisme américain risque d’inciter les pays subissant ces mesures à dévaluer leur monnaie afin de rendre leur production plus compétitive. Cette dévaluation (ce qu’a fait par exemple la Chine) risquerait de créer une pression inflationniste à l’échelle mondiale. Par la suite, la Chine a évoqué une mesure qu’elle pourrait appliquer en cas de point de non-retour: il s’agit de l’option nucléaire de la guerre commerciale. En effet, la Chine détient 1000 milliards d’obligation américaines et pourrait les vendre. Cette vente entrainerait une dévaluation massive de l’obligation américaine et une remontée considérable des taux, ce qui limiterait la marge de manoeuvre de la politique économique américaine.

Conclusion :

Ce sytème protectionniste a pour objectif de pénaliser les économies rivalisant avec les Etats-Unis, ces mesures prises par Trump s’inscrivent dans une volonté de préserver les entreprises nationales et d’assurer l’hégémonie américaine sur le plan économique. Ces mesures protectionnistes concerne désormais l’Europe et risque d’impacter la croissance allemande, dont l’économie est relativement dépendante de son excédent commercial. Cependant, ce protectionnisme peut également avoir un impact néfaste pour les consommateurs américains, qui certes sont incités à consommer plus de produits américains, mais à des prix naturellement plus élevés, avec une concurrence moins féroce marquée par la sortie des entreprises étrangères du marché américain. Ce constat risque alors de créer une situation de surproduction où les entreprises sont incitées à produire plus puisque les conditions de marché y sont favorables mais les ménages à consommer moins face à des prix plus élevés. De plus les mesures de rétorsion peuvent faire créer un surplus de tension dans cette guerre, en répondant par une hausse des taxes, ce que fait la Chine avec les produits américains ou en se déresponsabilisant de son rôle de créancier, elle qui détient plus de 1000 milliards de T-bond.

Crise Financière – Crise Climatique – Quelles solutions ?

Pour le premier lundi de Sainte-Marie de l’année scolaire, Dominique Plihon, professeur émérite d’économie financière à l’université Paris XIII, militant altermondialiste, porte-parole du groupe Attac, a animé une conférence en évoquant un enjeu majeur de notre société actuelle : les solutions à la crise financière et climatique.

Tout d’abord, Dominique Plihon a établi un « diagnostic » de la crise climatique, en soulignant ses causes et ses conséquences. Cette crise climatique constatée par le GIEC (groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, créé en 1988) repose sur trois élements : la hausse de la température, l’influence de l’activité humaine et les risques engendrés par cette crise.

Premièrement, l’augmentation de la température à l’échelle du globe est indéniable : à titre d’exemple, la température a augmenté de 0,9 degré entre 1950 et 1980. Au delà d’un certain seuil, en théorie, celui d’un réchauffement supplémentaire de 2 degrés, les conséquences sur l’écosystème seraient irréversibles.

Puis, l’industrialisation de notre économie ayant débuté à la fin de XVIIIème siècle avec la première Révolution Industrielle, a entraîné des émissions importantes de gaz à effet de serre dans le cadre de la production. L’économie des sociétés actuelles dépend de l’utilisation d’énergies fossiles et pollluantes tel que le pétrole. Paul Josef Crutzen qualifie cette période actuelle (ayant commencé à la Révolution Industrielle) d’ère anthropocène : l’homme a désormais par son comportement une influence prépondérante sur le milieu dans lequel il évolue et par conséquent sur l’écosystème.

Cette influence est visible par l’étude de l’évolution de l’empreinte carbone : il s’agit d’un calcul observant la quantité de dioxyde de carbone émise par la société (l’ensemble de la population mondiale) . Cette mesure démontre que la société humaine depuis 1970 consomme plus que la Terre ne produit en terme de ressources : notre économie est donc désormais fortement fondée sur l’épuisement des ressources et l’érosion des sols.

Ainsi, cette activité humaine génère des risques non négligeables, et ce, avant tout sur un plan physique : le dérèglement climatique entraîne de manière inévitable une augmentation des catastrophes naturelles en fréquence et en intensité. La catastrophe naturelle la plus redoutée est liée à la fonte des glaces engendrant une remontée des eaux.

Par la suite, Dominique Plihon a également évoqué les solutions pour régler cette crise. En décembre 2015, le traité de Paris a été adopté par les 195 délégations étatiques. Ce traité repose sur l’engagement de chaque pays à réduire ses émissions de CO2. Cependant, il existe un scepticisme au sujet des effets réellement positifs et suffisants de ce traité : selon le GIEC, les mesures mises en place ne pourraient pas créer un réchauffement maximal de 2 degrés mais plutôt de 3 degrés, il s’agit d’une prévision jugée presque inévitable, s’il n’y a pas de changement radical dans les politiques gouvernementales.

L’autre solution émanerait d’un plan financier : la crise climatique risquerait d’entraîner une crise financière. C’est pourquoi il faut remettre en question le système économique actuel, limiter l’aliment      ation de bulles spéculatives et privilégier l’investissement dans l’économie réelle. La crise climatique créerait de nouveaux vecteurs de dépréciation sur les marchés financiers, s’établissant sur un plan physique pour les impacts néfastes en cas de catastrophe naturelle, juridiques à travers les procès et les scandales dénonçant les victimes du dérèglement climatique. La crise climatique engendre également la nécessité d’une transition énergétique : dans ce cas, il s’agit du risque de dévalorisation d’actifs directement liés à des entreprises productrices d’énergies fossiles, à l’instar de Total dont la capitalisation boursière se situe aux alentours de 120 milliards d’euros.

Ainsi, le système financier doit trouver des investissements à long terme, bénéfiques pour l’investisseur comme pour l’environnement, avec l’idée de « verdir » la finance. D’ailleurs, l’article 4 des accords de Paris stipule la nécessité de rendre les flux financiers cohérents avec les objectifs environnementaux fixés.