
La pandémie actuelle ayant entraîné des mesures drastiques de confinement, a plongé le monde dans une nouvelle période de récession. Des plans de relance ont alors été décidés dans l’urgence. Mais les états sont confrontés à un dilemme : ces plans de relance ont un coût (plusieurs dizaines voire centaines millards d’euros pour la France) et la remontée de la dette dans le bilan des banques centrales aura tôt ou tard une limite. Un accroissement de la dette, en valeur absolue mais également relative au PIB est inévitable, ce qui a tendance notamment à exacerber les divergences des économies entre les pays d’Europe du nord et ceux du sud et ce qui augmente le risque d’insolvabilité de ces derniers, comme à l’issue de la crise des Subprimes. L’idée de cette article est alors de faire un retour sur cette crise, permettant de comprendre les enjeux auxquels nous sommes actuellement confrontés.
Dès octobre 2009, la Grèce – point de départ de la crise des dettes souveraines en Europe – et ses 126,7% du PIB de dette – en augmentation de plus de 17 points par rapport à l’année précédente -, est déclarée « peu solvable » par les agences de notation. Sa note financière est d’autant plus menacée que l’Etat, premièrement, falsifiait ses budgets depuis plusieurs années (enregistrant des déficits budgétaires bien plus importants que ceux déclarés), et deuxièmement, est victime d’une économie souterraine forte – évaluée à 28% du PIB par la Banque Mondiale -, en marge de nombreux problèmes de corruption et d’une faible intégration de son économie dans le commerce mondial, à l’exception de la marine marchande et du secteur du tourisme. Il est alors plus difficile à la Grèce d’emprunter, et lorsque c’est possible, elle emprunte à des taux plus élevés, ce qui mène à l’incapacité de l’Etat à rembourser sa dette. Ses créanciers enregistrent des pertes, voire risquent la faillite. Par exemple pour le cas des banques françaises, elles étaient nombreuses à avoir investi dans la dette grecque, et étaient très menacées par la perte de leurs liquidités. Pour le Crédit Agricole, banque la plus exposée, ce sont 29,5 milliards d’euros qui attendent d’être remboursés par la Grèce. L’Etat français est donc obligé de s’impliquer dans la crise grecque en mettant en place des programmes d’aides.
En parallèle, de multiples autres crises ayant des conséquences socio-économiques néfastes – liées à la crise économique de 2008 et à celle des dettes publiques de 2010 – se déclarent dans l’Eurozone. En Espagne, les prix de l’immobilier chutent fortement dès 2008 : c’est l’explosion de la bulle immobilière espagnole, qui était en forte croissance depuis une décennie, en sus d’un endettement très fort des ménages, qui atteint son maximum de 154,8% du revenu disponible net en 2007. En conséquence de l’explosion de cette bulle, de nombreuses opérations de fusions-acquisitions bancaires se font entre 2010 et 2012 – visant à se protéger de la concurrence et des Offres Publiques d’Achats (OPA) “hostiles”-, en prime de plusieurs nationalisations et d’autres systèmes d’aides aux banques (c’est le système institutionnel de protection, qui passe par la fusion de banques nationalisées) mis en place par le gouvernement espagnol. Finalement, fin 2012, l’Europe refinance à hauteur de 37 milliards d’euros le secteur bancaire espagnol. Cette crise bancaire a provoqué une crise sociale – un nombre considérable de défauts de paiements ayant menés à près de 500 000 expulsions – mais également migratoire. En effet, le solde migratoire espagnol était négatif entre 2009 et 2016.
Au Portugal, le déficit public augmente jusqu’à frôler les 10% du PIB, et l’endettement public jusqu’à dépasser les 100%. Le 23 mars 2011, le Parlement – où l’opposition est majoritaire – rejette les plans d’austérité du gouvernement, qui visaient à éviter d’avoir recours à l’aide internationale; le premier ministre José Socrates démissionne dans la foulée. Face à cette crise politique, la note financière du Portugal est dégradée par les agences de notation, augmentant, encore une fois, les taux d’emprunt du pays.
En Irlande, où l’économie est basée sur le secteur bancaire, la finance, et est très dépendante du reste du monde, notamment par la présence de nombreuses firmes transnationales américaines, une autre crise se déclare. Entre septembre 2010 et janvier 2011, la banque centrale d’Irlande recapitalise ses banques à hauteur de 50 milliards d’euros; celles-ci avaient souffert de la crise, à partir de 2007 avec l’explosion d’une bulle immobilière. La crise Irlandaise a également abouti à des dégâts sociaux très importants, impliquant la mise en place des plans de rigueur conséquents, avec un taux de chômage qui a augmenté de 10 points entre 2005 et 2010, et l’endettement des ménages qui a lui aussi explosé, atteignant son paroxysme en 2009 avec 240,6% du revenu disponible net, soit une augmentation de presque 130 points depuis 2001. Parallèlement, l’augmentation des dépenses publiques mise en place pour répondre à cette crise et à la dépréciation du secteur bancaire irlandais a conduit à une forte création de dette publique; celle-ci a été multipliée presque 5 fois entre 2007 et 2012. L’Irlande a finalement bénéficié de 85 milliards d’euros d’aides de l’Europe, d’une part pour sauver son déficit public qui atteignait 32,1% en 2010, d’autre part pour sauver son système bancaire.
Dette publique et PIB de l’Irlande
Toutes ces crises ont pour point commun d’être aggravées par un système financier basé sur un endettement mal régulé : souvent, les banques ne demandaient pas suffisamment de garanties à l’obtention de crédits, en s’appuyant sur des systèmes d’hypothèques et de montages financiers spéculatifs. De plus, un aléa moral* joue en leur faveur : trop importantes pour faire faillite, les Etats sont obligés de les refinancer en cas de crise. Ce sont donc une financiarisation spéculative de l’économie et une libéralisation des marchés, tous deux portés à l’extrême, qui – en entraînant une explosion de la dépense publique – sont les principaux facteurs de la crise.