La crise sanitaire causée par le coronavirus a plongé le monde et en particulier la France dans une récession sans précédent depuis 1929. En effet, le PIB français a connu une contraction de 11 % en 2020 par rapport à l’année précédente, selon Bruno Le Maire, ministre de l’économie. Dans ce contexte, divers plans de relance ont été organisés. Mais la question de la planification dans des secteurs stratégiques tels que la santé ou les industries sensibles revient à l’ordre du jour. Boudé depuis le tournant libéral des années 1970 et 1980, cette planification prend de plus en plus d’importance à tel point que le gouvernement Castex a nommé un commissaire au plan, François Bayrou. Vilipendée par la théorie néo-classique, prônant une faible intervention de l’état sur le marché afin de rendre ce dernier le plus optimal dans l’optique d’une logique efficiente, la planification suscite des débats et divise le monde politique et économique. Dans cet article, nous allons donc analyser les modalités de la planification ainsi que sa finalité et ses conséquences.
Une politique ambitieuse
Un exemple symbolisé par le modèle soviétique :
En URSS, la planification débute réellement le premier octobre 1928 avec le premier plan quinquennal. L’objectif est d’accélérer le développement du secteur industriel. En effet, à cette époque l’URSS accuse un retard important dans le cadre de la production du secteur secondaire, l’essentiel de son économie restant encore fondé sur l’agriculture. Grâce à ces plans, l’URSS connaît une croissance industrielle importante, au point de devenir en 1940 la troisième puissance industrielle, derrière les Etats-Unis et l’Allemagne. Cependant, si l’on prend l’exemple de l’URSS, dont le premier plan date de 1928, cours d’histoire de première, la planification poussée à son extrême a des conséquences néfastes sur un plan économique comme social, Staline n’y allant pas de main morte. Tout d’abord, cette planification instaure une situation d’oligopsone (non ce n’est pas un nouveau Pokémon), c’est-à-dire un unique demandeur, l’Etat, face à plusieurs offreurs qui doivent se plier aux exigences, notamment en matière de délai de livraison, puisque le plan fixe des cadences de production qui doivent être respectées à la lettre. Dans cette situation, l’état organise l’administration des prix, empêchant les prix de se fixer librement en fonction de l’offre et de la demande. L’état va alors fixer des prix plafonds, c’est-à-dire des prix de vente que les unités de production ne pourront pas dépasser. L’isocoût, la contrainte budgétaire de la production, est donc un critère fondamental, même plus important que dans les économies de marché des démocraties occidentales, étant donné que les erreurs des dirigeants des entreprises peuvent leur coûter bien plus qu’une simple remontrance de la part du soviet suprême, disons une petite peine de 20 ans en camp de travail. Dans cette situation, le prix plafond est égal au coût de production, étant donné que ces entreprises n’ont pas comme objectif de vendre leur production sur un marché concurrentiel et d’y faire des bénéfices puisqu’elles sont censées agir pour l’intérêt de la société.
Une alternative apparente au modèle capitaliste :
La planification cherche à répondre à un idéal : celui d’une société égalitaire dans laquelle chacun des acteurs agiraient pour l’intérêt général. La planification cherche alors à corriger les défauts du capitalisme. En effet, dans une économie capitaliste, en proie à de violents retournements du marché, les classes les moyennes et populaires sont souvent plus touchées que l’élite économique et financière. Dans les démocraties occidentales, les entreprises sont majoritairement privées et au début du XXème siècle, les chefs d’entreprise sont souvent propriétaires de leur entreprise. On peut d’ailleurs prendre l’exemple d’Henry Ford ou de Louis Renault dans le secteur automobile. Alors qu’aujourd’hui, les grandes entreprises sont souvent des sociétés anonymes, avec des actionnaires et dont le président n’est pas le propriétaire. Ainsi, les propriétaires de ces entreprises peuvent avoir tendance à gérer l’entreprise dans leurs intérêts personnels et non dans celui de l’ensemble des acteurs de l’entreprise. Les intérêts antagonistes dans une entreprise sont indéniables : les propriétaires ou actionnaires veulent par exemple rogner les salaires afin d’améliorer la rentabilité financière pour toucher plus de dividendes tandis que le salarié aura tendance à vouloir une meilleure reconnaissance par une valorisation de son salaire ou une amélioration de ses conditions de travail. Il s’agit là de l’intérêt de l’économie planifiée selon ses défenseurs : l’idée de créer une économie dans laquelle des fonctionnaires qualifiés agiraient dans l’intérêt général et décideraient de l’allocation des ressources et des choix économiques à faire. Les décisions prises seraient alors bénéfiques à l’ensemble de la population et non à une minorité. Dans ce système, l’Etat maitrise l’ensemble de l’appareil productif et peut alors protéger ses marchés contre la concurrence étrangère ou contre des aléas de toute sorte. L’objectif de l’état par la planification est de se prémunir contre une certaine dépendance de l’étranger, notamment dans des secteurs clés comme la santé, où la pénurie de masque marque le symbole de la dépendance de la France vis-à-vis des marchés étrangers.
Une portée relative
Une population au bien-être mis à mal :
L’administration des prix peut entrainer une modification voire une suppression du point d’équilibre du marché, qui fixe le point d’intersection entre l’offre et la demande ainsi que le prix et la quantité d’équilibre. La fixation des prix par l’état engendre un rationnement de l’offre ou de la demande. Selon la théorie néo-classique, cette fixation des prix par l’état peut alors avoir des conséquences néfastes du fait d’une mauvaise allocation des ressources, c’est-à-dire une mauvaise répartition dans le système économique des moyens financiers, matériels et humains. Dans le cas étudié, la planification peut entrainer un rationnement de l’offre, provoquant des pénuries. Si l’on prend l’exemple du prix d’une voiture, l’état dans une économie planifiée va alors fixer un prix plafond que les entreprises ne devront pas dépasser. Si ce prix plafond permet en théorie de toucher une nouvelle demande aux ressources plus faibles, ce prix plafond risque également d’entrainer une réduction de la production des voitures, car potentiellement moins d’entreprises pourront se plier aux exigences tarifaires de l’état, du fait de coûts de production peut-être même plus élevés que le prix de vente.

Nous pouvons modéliser la situation à l’aide du graphique ci-dessus. Dans le cadre d’un marché concurrentiel le prix et la quantité d’équilibre se formeraient respectivement en P* et Q*. Mais dans le cadre d’une intervention de l’état, les conditions contraignent la production, la fixation d’un prix par l’état crée un prix plafond que tous les offreurs ne vont pas pouvoir supporter. Ainsi, le marché ne peut offrir qu’une quantité Q 0 en deçà de la quantité d’équilibre du marché concurrentiel. Et dans la logique des choses, l’intervention de l’état se fait dans l’objectif de permettre l’accès de biens à l’ensemble de la population. Par conséquent, l’intervention de l’état crée une hausse de la demande. Cette nouvelle demande est représentée par QD. Cependant, une offre réduite par rapport à une demande plus forte entraine inévitablement une fraction de demande insatisfaite. Ainsi, la différence entre la quantité demandée et la quantité offerte correspond au volume de demande insatisfaite. Dans cette situation le surplus collectif est exposé à une perte sèche, chez les producteurs du fait d’un prix trop élevé et chez les consommateurs du fait d’un rationnement de l’offre. Le surplus du producteur dans une économie planifiée doit en théorie être inexistant étant donné que les entreprises n’ont pas pour vocation de faire des bénéfices comme sur un marché concurrentiel. Cette situation de rationnement de l’offre et de demande insatisfaite s’est traduite concrètement en URSS par des situations de pénurie ou de longue attente de la population pour les biens de consommation. On peut prendre l’exemple des longues queues pour l’approvisionnement alimentaire ou encore le fait qu’une famille russe devait patienter dix ans pour recevoir une voiture. Vous imaginez si on revenait dix ans en arrière, comment c’est long. La PS3 était la console à la mode et les Nokia étaient les téléphones les plus vendus. De plus, dans ce système, l’offre est très peu diversifiée, ce qui réduit encore plus le bien-être du consommateur. Imaginez si vous deviez renoncer aux bonbons qui vous plaisent et manger tous les jours des réglisses ! En effet, en URSS, il n’y avait généralement qu’un modèle de télévision, de voiture, de cartable scolaire ou de pair de chaussures.. L’autre enjeu lié à la planification est la question de la bureaucratie. Cette dernière est approuvée par Max Weber dans son ouvrage « Economie et société » en 1921, et désigne un mode de production dans lequel les salariés qui entretiennent des relations impersonnelles occupent des postes uniquement en fonction de leurs compétences. Dans un système bureaucratique le travail de chacun est très encadré afin de ne pas laisser courir le risque de prises de décisions hâtives ou hasardeuse. Les modalités de la production sont réglées au millimètre, l’objectif étant de se protéger de quelconque aléa, risquant de désorganiser le travail. Cependant, étant donné que le travail est très encadré, la bureaucratie limite la prise de décision individuelle et par conséquent l’innovation. De plus, dans un modèle bureaucratique, la hiérarchie est verticale et l’individu en bas de l’échelle n’est souvent pas écouté, même si sa proposition est intéressante.