Juillet 2019. Les feux de forêt s’intensifient en Amazonie, plus particulièrement au Brésil, et ravagent 2 255 kilomètres carrés de forêt. Si les incendies sont un phénomène fréquent en cette période de l’année au Brésil – en raison des fortes chaleurs notamment – ce chiffre dépasse de loin ceux des dernières années (une parcelle de la jungle amazonienne quatre fois plus grande qu’en juillet 2018 est partie en fumée ce mois-ci). L’ampleur du désastre n’est pas passée inaperçue et les incendies ont suscité une importante réaction de la communauté scientifique et internationale en juillet et en août, suite à la publication d’études brésiliennes faisant état de plus de 75 000 départs de feux en huit mois, toujours au Brésil.
Si beaucoup s’indignent de ces événements, notamment en Europe et aux Etats-Unis à cause de l’impact écologique néfaste qui en résulte dans un contexte de réchauffement climatique, d’autres tendent à relativiser et peut-être voient le profit de ces immenses incendies, à l’instar du président brésilien populiste Jair Bolsonaro qui souhaite avant tout moderniser le pays, chose facilitée par le gain d’espaces exploitables au détriment de la forêt. Il en découle alors un débat idéologique entre écologistes du monde entier et productivistes brésiliens soucieux de faire une place au soleil à leur pays.
CAUSES
Chaque année, les températures dans les pays équatoriaux tels que le Brésil atteignent des pics propices aux départs des feux de forêt. Ces incendies spontanés se multiplient ces dernières années à cause du réchauffement climatique. Toutefois, il ne s’agit pas là de la principale cause des incendies en Amazonie. En réalité, de nombreux agriculteurs brésiliens défrichent les territoires occupés par la forêt afin de mieux les exploiter pour l’élevage et pour les cultures. En outre, les terres défrichées permettent de meilleurs rendements agricoles, ce que l’on appelle la « culture sur brûlis ». Il s’agit donc d’une déforestation stratégique et productiviste, dans un pays où une poignée de riches exploitants possède la majorité des terrains tandis qu’une majorité de paysans se retrouve sans terre, ce qui pousse certains d’entre eux à vouloir s’accaparer de nouvelles parcelles en défrichant la forêt.
Cette méthode n’a rien d’illégal ; au contraire, Jair Bolsonaro, faisant en quelque sorte feu de tout bois, promeut la déforestation, quand bien même l’opinion internationale y est défavorable. Le président brésilien et son gouvernement sont ainsi accusés par les ONG environnementales d’avoir affaibli la protection de la forêt amazonienne, favorisant le développement des incendies. Bolsonaro se défend en insistant sur le caractère nécessaire de cette déforestation pour le développement de l’économie brésilienne. De plus, il dément les chiffres publiés par l’INPE (Instituto Nacional de Pesquisas Espaciais) répertoriant pas moins de 75 336 feux entre janvier et août 2019, données qui seraient falsifiées par l’institut en vue d’une campagne de désinformation menée contre lui. A la suite de cette polémique, le directeur de l’INPE s’est vu démis de ses fonctions par le président lui-même.
CONSEQUENCES
Sur le plan économique, les résultats pourraient être positifs pour le Brésil. Comme souhaité par Jair Bolsonaro, la forêt amazonienne, jadis un territoire « en réserve », devient désormais de plus en plus un espace productif. Le chômage reculerait et la production augmenterait. Le Brésil, pays émergent, renforcerait sa position sur le marché mondial grâce à sa puissance exportatrice en particulier en matière agricole. Toutefois, l’attitude du gouvernement brésilien sur ce sujet a fragilisé les négociations commerciales en cours avec l’Union Européenne, comme en témoignent les avertissements adressés par le président Macron.
En tout état de cause, la déforestation n’arrange pas tout le monde au Brésil. Les principaux concernés sont les populations amazoniennes. Ces dernières, en marge du reste de la société, vivant dans la forêt, voient leur habitat consumé et réduit jour après jour par les flammes. Certes peu nombreuse, cette population jusqu’alors silencieuse fait depuis peu entendre sa voix lors de manifestations hostiles à la politique presque attentiste de Bolsonaro à l’égard des feux de forêt. Plus qu’un habitat, c’est d’ailleurs tout un patrimoine chargé d’histoire qui disparaît sous le regard impuissant de ses autochtones.
Enfin, les incendies en Amazonie ont des répercussions évidentes sur le déréglement climatique. La combustion des arbres par milliers projette dans l’atmosphère une grande quantité de gaz carbonique auparavant stocké dans la végétation, ce qui contribue au réchauffement de notre planète. La diminution du nombre d’arbres entraîne également un déréglement des pluies, raréfiant leur venue. Sans oublier la perte importante de biodiversité animale et végétale qu’entraîne de gigantesques feux de forêt comme c’est le cas cette année en Amazonie.
CONCLUSION
Les incendies qui sévissent au Brésil depuis janvier 2019 sont exceptionnels de par leur ampleur. Nous pouvons mettre en cause la politique de Jair Bolsonaro qui consacre trop peu de moyens pour lutter contre la progression des feux. Si ces événements peuvent s’avérer économiquement profitables pour le Brésil, il n’en subsiste pas moins des conséquences environnementales catastrophiques sur le long terme, y compris pour le Brésil. Les sociétés occidentales sont les premières à pointer du doigt l’inaction du président brésilien face à ce problème qui affecte le monde entier. Nous pouvons toutefois nous demander s’il est légitime qu’un pays industrialisé de longue date comme le nôtre critique la politique d’un pays émergent sans l’aider activement à trouver une solution acceptable par le Brésil et par tous ses partenaires.