Réformes des retraites : Une nécessité vitale pour la viabilité de notre protection sociale ?

La question de la réforme des retraites évoquée dans le programme d’Emmanuel Macron en 2017, a entrainé un mouvement de contestation aboutissant à des grèves et une paralysie du Traffic ferroviaire au mois de décembre 2019. En effet, les fonctionnaires de la SNCF souligne leur scepticisme quant à cette réforme, marquée par la suppression des régimes spéciaux et par conséquent la réduction de leurs avantages. Le projet défendu par le gouvernement a pour vocation de transformer en profondeur les structures du système de retraite, et ne correspond pas à des ajustements comme les réformes précédentes de 1993 ou de 2010. Initialement, le projet a été confié à Jean-Paul Delevoye qui avait été nommé haut-commissaire à la réforme des retraites en septembre 2017 et qui transmet son rapport en juillet 2019.

Le régime actuel :

A l’heure actuelle, il existe 42 régimes de retraites, pour les fonctionnaires, pour les indépendants ou les agriculteurs notamment . Cependant, selon la direction de la recherche des études, de l’évaluation et des statistiques, 80 % des retraités sont couverts par le régime général. De plus, la complexité de ce système est renforcée avec le principe de régime polypensionné, dont bénéficient des retraités ayant connu des reconversions professionnelles. Ce régime concerne un emploi sur trois. Certains individus ayant souvent changé d’activité au cours de leur carrière professionnelle peuvent donc avoir quatre ou cinq formes de régimes de retraite. Par la suite, dans le cas du régime général, l’âge légal de départ à la retraite est de 62 ans, mais il existe une distinction entre l’âge légal de départ et celui à taux plein. En effet, un actif partant à la retraite à 62 ans n’est pas du tout assuré d’avoir une retraite maximale, pour avoir une pension complète, l’actif doit travailler 43 ans pour ceux nés après 1973 et 41 ans et neuf mois pour ceux nés après 1958.

Les modifications du gouvernement :

L’objectif de cette réforme est de rendre le système moins complexe par la mise en place d’un régime unique mais également par une volonté de rendre le régime plus flexible face à l’évolution de la conjoncture économique. Emmanuel Macron avait d’abord évoqué un système proche du modèle suédois. Dans cette situation, le point évolue en fonction de la croissance économique, dans un souci de régulation du poids du déficit. En effet, lorsque la croissance économique diminue et que les dépenses publiques d’un état restent inchangées, le poids de son déficit augmente mécaniquement. Cependant, les annonces d’Edouard Philippe le 9 décembre, ont été marquées par la promesse que le point n’évoluerait pas en fonction de la conjoncture. Désormais, le régime de retraite sera fondé sur des points. Ces derniers seront accumulés par les travailleurs tout au long de leur vie. Par conséquent, leurs retraites ne seront plus calculées sur leurs 25 dernières années pour les salariés du privé ou 6 mois pour le public, mais tout au long de leurs carrières. De manière mécanique, ce système par point est un vecteur de baisse des pensions puisque les jeunes actifs, moins expérimentés, ont des salaires plus bas et voient leurs salaires augmenter au fil de leur carrière. Par conséquent, dans ce régime universel à point les grands perdants sont les professeurs. En effet, ces derniers débutaient leurs carrières avec des salaires bas mais avaient l’avantage de voir une hausse régulière de leurs revenus et d’avoir une retraite, calculée sur les six derniers mois de cotisation. Si l’on prend des chiffres précis, un professeur gagne 1640 euros mensuel en début de carrière contre 2639 en fin. L’écart entre le début et la fin de carrière est par conséquent de 60 %. Le gouvernement compte également mettre en place un âge pivot, l’actif doit alors accepter de travailler deux ans de plus afin que sa retraite ne soit pas impactée. L’âge de départ à taux plein augmente donc avec cette réforme. Cependant, l’actif peut toujours faire le choix de partir à 62 ans mais subira une décote de sa retraite.

Des nécessités d’instaurer un équilibre budgétaire, et une volonté d’instaurer de l’égalité :

Le gouvernement a souligné leur intention de mettre fin au déficit des retraites et de contrer une éventuelle explosion de ce déficit dans les années à venir. En effet, avec l’augmentation de l’espérance de vie, le nombre de retraités augmentent plus rapidement que le nombre de cotisants. Ce déséquilibre peut alors s’interpréter de deux manières : dans un état d’esprit plutôt libéral (celui du gouvernement), l’Etat doit obligatoirement équilibrer son système tandis que dans un paradigme plutôt keynésien, où le régime de retraite est   considéré comme une dépense publique  classique, le déficit n’est pas vu comme un problème. Dans ce cas, la retraite est vue comme une dépense de protection sociale à part entière. L’idée du gouvernement est de créer plus d’équité entre les Français, un euro cotisé donnera en théorie exactement les mêmes droits à tous. Le gouvernement a également souligné sa volonté de tenir compte de la pénibilité de certains métiers. En plus de ces promesses, le minimum de retraite devrait passer de 500 à 1000 euros, afin de réduire les écarts de pension, et le maximum de retraite est fixé à 10000 euros par mois, ce qui est inédit en France.

Les conséquences de cette réforme selon les détracteurs :

La conséquence immédiate est la réaction des citoyens qui se mobilisent, ayant l’impression qu’à l’issue de cette réforme, ils travailleront plus pour gagner moins. Des syndicats se sont  mobilisés, la CGT appelle alors à la grève générale et celle-ci est suivie depuis le début du mois de décembre par la RATP et la SNCF. Sur un plan économique, la réforme des retraites qui pénalisent de manière indéniable la fonction publique, peut entraîner une précarisation du secteur public. En effet, le retrait d’avantages pour les professeurs peut inciter moins de jeunes à devenir professeur, ce qui risque de dégrader la qualité de l’enseignement en France (avec des professeurs à la retraite non remplacés). Or, l’éducation est un élément fondamental au développement socio-économique d’une nation. L’éducation est vectrice d’externalité positive puisqu’une population formée permet aux entreprises d’économiser des coûts de formation. Avec cette réforme, cette externalité positive, source de croissance intensive est remise en question, ce qui peut entrainer à terme un cercle vicieux : la croissance intensive diminue, ce qui crée des difficultés dans le cadre de la régulation du déficit public, obligeant l’Etat à intensifier sa politique de rigueur budgétaire. Puis, cette réforme a tendance à pénaliser les pensions des ménages français, ce qui peut les inciter à se tourner vers des fonds de pension qui offre des conditions attractives mais risquées. Cette réforme permettrait une ouverture d’un marché de fonds de pension en France, qui n’irait pas forcément dans les intérêts des salariés en période de crise financière. En effet, à l’issue de la crise des Subprimes des fonds de pension américains tels que ceux rattachés à Lehman Brothers ont fait faillite, entrainant la perte de capitaux de ménages qui étaient placés en vue de leur future retraite.

Cette réforme fait débat au sein de la classe politique et suscite l’indignation des représentants des régimes spéciaux : si certains, partisans d’Emmanuel Macron voit ces changements comme un moyen d’équilibrer le régime, d’autre estime qu’elle est le symbole de la politique de recul de l’intervention de l’état-providence menée par le président.

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