Au début du mois d’octobre dernier, l’OMC a donné le feu vert aux Etats-Unis pour mettre en place des droits de douane sur des produits européens dans un contexte où des pays de l’Union Européenne (comme la France et l’Allemagne) ont subventionné de manière illégale Airbus. Après l’Asie, la guerre commerciale touche désormais l’Europe. Retour sur ces deux dernières années et sur les conséquences que cette politique protectionniste pourrait engendrer.


Genèse : le cas chinois
La guerre commerciale contre la Chine sous l’ère Trump commence officiellement le 22 janvier 2018, date à laquelle Donald Trump décide de taxer les machines à laver et les panneaux solaires chinois. En effet, la Chine est le plus gros producteur dans ces deux domaines. Dans un second temps, la guerre commerciale s’embrase en mars 2018, avec la taxation de matières premières chinoises : à hauteur de 10 pour cent pour l’acier et 25 pour cent pour l’aluminium. Cette mesure est prise dans un contexte où la Chine domine le marché mondial dans la production de ces deux métaux : en 2017, selon la world steel association, celle-ci produisait 830 millions de tonnes contre environ 80 millions pour les Etats-Unis et selon USGS, les Etats-Unis produisaient 1,6 millions de tonnes contre 32 pour la Chine.
Des conséquences positives pour les Etats-Unis…
La politique menée par Donald Trump vise à privilégier les entreprises nationales. En effet, les taxes douanières entrainent une remontée des prix des produits chinois vendus en Chine. Les entreprises chinoises, éprouvant des difficultés à s’aligner sur les prix américains qui ne subissent pas les taxes, pourraient progressivement se retirer du marché. Cela permettrait aux entreprises nationales d’être plus compétitives, par des prix plus attractifs. Ainsi, les ménages américains seraient incités à consommer plus de produits nationaux. Pour répondre à cette hausse de demande, les entreprises produiraient plus de biens ce qui génèrerait une croissance économique plus forte.
et d’autres qui le sont moins :
Le protectionnisme vise à privilégier les entreprises nationales. Par conséquent, les entreprises étrangères sont pénalisées, ce qui peut amener à une progressive disparition de celles-ci sur le marché. Cette disparition, du fait de l’incapacité des entreprises étrangère à maintenir leur compétitivité entraîne alors une situation de marché allant à l’encontre du principe d’atomicité du marché (théorie libérale soulignant la nécessité de contenir beaucoup d’offreurs et de demandeurs sur le marché). En effet, un protectionnisme exacerbé entraîne des dérives oligopolistiques, contestant alors le principe de concurrence pure et parfaite (théorisé par Franck Knight dans son ouvrage Risk, Uncertainty and Profit en 1921), où la concurrence étrangère se retire du marché. Et cette dérive peut aller à l’encontre du consommateur puisque les entreprises nationales, étant moins soumises à la concurrence grâce au protectionnisme, peuvent en quelque sorte devenir plus facilement devenir Price Maker et gagner en pouvoir de marché.
Des conséquences pour l’économie mondiale :
A l’échelle mondiale, les taxes douanières ont des répercussions pour les pays exportateurs. En effet, l’économie allemande est très dépendante du secteur industriel, et de manière précise celui de l’automobile. Ce secteur de l’automobile couvre 40 pour cent des exportations du pays et un salarié sur sept travaille dans ce domaine. Ainsi, les taxes douanières à hauteur de 25 pour cent infligés par les Etats-Unis, entraînerait de manière logique, une hausse des prix de vente. Et selon le principe d’élasticité prix (sensibilité de la demande d’un bien à son prix ou à sa variation, se calculant par taux de variation de la demande/ taux de variation du prix), dans le cadre de biens substituables, lorsque le prix d’un bien augmente sa demande diminue, il s’agit d’une logique d’élasticité prix négative pour les biens « normaux ». D’après cette théorie, les ventes des voitures allemandes devraient chuter, ce qui créerait une tension dans le secteur de l’automobile en Allemagne, pouvant amener à une baisse des résultats des entreprises et des licenciements. La croissance allemande serait alors pénalisée du fait de ce protectionnisme. Cet exemple allemand fonctionnne également avec d’autres produits européens à l’instar du vin français qui concerne 500 000 emplois directs ou indirects.
Des mesures de rétorsion potentielles :
Ces pays, subissant le protectionnisme américain, peuvent alors mettre également à leur tour des mesures de rétorsion créant alors une escalade dans la guerre commerciale. Les mesures de rétorsion sont d’abord une augmentation des taxes douanières pour les pays américains. Les Etats-Unis sont le deuxième pays exportateur derrière la Chine, par conséquent, son économie dépend assez fortement de la demande étrangère. La guerre commerciale peut également avoir comme conséquences une guerre monétaire. Tout d’abord, le protectionnisme américain risque d’inciter les pays subissant ces mesures à dévaluer leur monnaie afin de rendre leur production plus compétitive. Cette dévaluation (ce qu’a fait par exemple la Chine) risquerait de créer une pression inflationniste à l’échelle mondiale. Par la suite, la Chine a évoqué une mesure qu’elle pourrait appliquer en cas de point de non-retour: il s’agit de l’option nucléaire de la guerre commerciale. En effet, la Chine détient 1000 milliards d’obligation américaines et pourrait les vendre. Cette vente entrainerait une dévaluation massive de l’obligation américaine et une remontée considérable des taux, ce qui limiterait la marge de manoeuvre de la politique économique américaine.
Conclusion :
Ce sytème protectionniste a pour objectif de pénaliser les économies rivalisant avec les Etats-Unis, ces mesures prises par Trump s’inscrivent dans une volonté de préserver les entreprises nationales et d’assurer l’hégémonie américaine sur le plan économique. Ces mesures protectionnistes concerne désormais l’Europe et risque d’impacter la croissance allemande, dont l’économie est relativement dépendante de son excédent commercial. Cependant, ce protectionnisme peut également avoir un impact néfaste pour les consommateurs américains, qui certes sont incités à consommer plus de produits américains, mais à des prix naturellement plus élevés, avec une concurrence moins féroce marquée par la sortie des entreprises étrangères du marché américain. Ce constat risque alors de créer une situation de surproduction où les entreprises sont incitées à produire plus puisque les conditions de marché y sont favorables mais les ménages à consommer moins face à des prix plus élevés. De plus les mesures de rétorsion peuvent faire créer un surplus de tension dans cette guerre, en répondant par une hausse des taxes, ce que fait la Chine avec les produits américains ou en se déresponsabilisant de son rôle de créancier, elle qui détient plus de 1000 milliards de T-bond.